Au départ, les Taylor, résidant à Albertville, en Savoie, voient dans le prénom Elizabeth, qu’ils ont donné à leur petite fille née à la fin du mois d’avril, un rappel à leurs origines anglaises. «Elizabeth est un prénom traditionnel et courant dans ma famille : ma grand-mère maternelle se nommait Mary-Elizabeth et l’une de mes tantes s’appelle Elizabeth. Cela fait aussi référence à la reine Elizabeth II. De plus, Taylor est un nom de famille très répandu dans les pays anglophones. Appeler notre fille Elizabeth ne posait donc aucun problème», raconte Eric Taylor au Dauphiné libéré.
Elizabeth Taylor, la diva américaine, actrice hollywoodienne aux soixante-dix films, huit mariages et sept maris, il connaissait mais sans plus. «Lorsque je suis allé déclarer la naissance de ma fille en mairie d’Albertville, l’officier d’état-civil m’a averti que c’est le nom d’une personnalité célèbre. Je connaissais l’existence de cette actrice, qui est décédée en 2011… il y a plus de 14 ans ! Son nom ne bénéficie plus de la même notoriété qu’à son apogée. Surtout ici en Savoie !»
Nutella, Fraise ou Titeuf
Or, peu après, un commissaire de justice se présente à leur domicile. «La mairie d’Albertville a engagé une procédure en vertu de l’article 57 du code civil, nous obligeant à changer le prénom de notre fille en raison de sa proximité avec celui de l’actrice. La raison évoquée serait que le choix du prénom serait contraire à l’intérêt de l’enfant», explique le père de famille au Dauphiné Libéré, affirmant qu’il a dénombré plus de 1 000 Elizabeth Taylor inscrites sur le réseau social LinkedIn.
Dans l’assignation envoyée aux Taylor, la justice signale que le nom d’Elizabeth Taylor «peut susciter des moqueries ou des jeux de mots pouvant nuire à l’intérêt de l’enfant […], que les personnes que l’enfant croisera feront le rapprochement avec l’actrice et des remarques constantes sur cette homonymie peuvent causer préjudice à l’enfant». L’histoire se termine bien pour la famille puisque, après l’audience au tribunal il y a dix jours, la juge aux affaires familiales du tribunal d’Albertville a validé vendredi 13 juin le choix du prénom.
Si depuis le 9 janvier 1993, les parents sont libres de choisir le prénom qu’ils souhaitent pour leur progéniture, l’officier d’état-civil peut en effet juger le choix des parents «contraire aux intérêts de l’enfant», et saisir la justice. Si celle-ci désapprouve elle aussi le choix des parents, libre à eux de faire une contre-proposition. Le cas échéant, c’est le juge qui attribuera un nom à l’enfant.
Tous les ans, des listes de prénoms plus ou moins loufoques font le bonheur de la presse et des lecteurs. On se souvient de la rumeur – fondée – d’une certaine Mégane Renaud à la fin des années 90. Prénom finalement validé par le juge aux affaires familiales de Nantes. Mais, plus récemment, des parents voulant appeler leur enfant Nutella, Fraise ou Titeuf ont été déboutés. D’autres ont essayé d’appeler leurs jumeaux Fish et Chips ou Bâbord et Tribord. Ou bien ont utilisé des prénoms jugés trop ressemblants ou des palindromes – Noël et Léon par exemple –, régulièrement refusés car ils pourraient créer des difficultés pour les enfants.
Au Japon, une loi récente qui interdit les prénoms trop originaux
L’exemple le plus marquant en France ces dernières années est le prénom Fañch. L’année dernière, un couple du Maine-et-Loire apprenait ainsi qu’il était convoqué, comme les Taylor, devant un juge des affaires familiales pour avoir donné à leur fils un prénom avec un tilde (~) qui marque la nasalisation. Si ce signe reste officiellement interdit à l’état-civil en France, des juridictions autorisent néanmoins régulièrement l’apparition du tilde sur le prénom.
D’autres pays font preuve de la même vigilance de la part de l’Etat quant aux choix des prénoms. Le Japon a ainsi instauré le 26 mai une loi qui interdit les prénoms trop originaux donnés aux enfants. Ces «kira kira names», que l’on pourrait traduire par «prénoms étincelants» ou «tendances», sont souvent inspirés de personnages de fiction, de marques ou de mots étrangers. Depuis les années 90, de nombreux choix de parents suscitent des tollés dans la société japonaise en donnant des prénoms farfelus à leurs enfants, comme Pikachu, Naiki (pour la marque Nike) ou encore Akuma (qui signifie «démon»). Désormais, les parents devront préciser les kanjis, caractères chinois présents dans la langue japonaise, utilisés pour écrire les prénoms mais aussi leur prononciation exacte.