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Enfants d’immigrés et écrivains : «Nos histoires ont rarement été racontées par les premiers concernés»

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Longtemps invisibilisés dans la société française, les enfants nés de parents étrangers, de Rachida Brakni à Faïza Guène en passant par Sofiane Si Merabet, investissent la littérature pour raconter leur histoire et celle de leurs parents. Pour ne plus être seulement des objets de sociologie mais les sujets de leur propres vies.
Sofiane Si Merabet à Paris, le 4 juin 2024. (Marie Rouge/Libération)
publié le 14 juin 2024 à 8h40

Un soir de mars à Paris. Rachida Brakni entre en scène dans une librairie. Une petite foule se serre. Des curieux. Des amis. La comédienne a le trac. Sa famille, également présente, se tient un peu à l’écart du public ; juste à sa gauche. Rachida Brakni est émue. Elle présente son premier livre, tout juste paru. Un roman, Kaddour (Stock). Elle retrace l’histoire de son père qui ressemblait comme «deux gouttes d’eau à Louis de Funès», paraît-il. Né en Algérie, orphelin dès l’âge de 7 ans, arrivé en France à la majorité. Une vie de routier et de chauffeur-livreur. Une famille : deux filles, un fils. Rachida Brakni est l’aînée. Il est mort en plein Covid, à l’été 2020. Elle lâche la même phrase partout ; tout le temps. «Je tenais absolument à ce que ce livre soit pleinement une œuvre littéraire. Parce que l’histoire de mes parents n’investissait pas encore ce champ-là. Comme si je me devais de confectionner à mon père, qui n’avait pas les mots, le plus beau des manteaux, la plus belle des broderies.»

Un livre et des mots soigneusement choisis. Rachida Brakni a intégré la Comédie-Française à la vingtaine. Elle a reçu un césar du meilleur espoir féminin et un molière de la révélation féminine. Elle connaît la lumière. Ça ne change rien. Le moment est important. Unique. La mère Brakni est touchée en