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Libération
Reportage

Epilations, massages, manucures : à Paris, ruée sur les instituts de beauté

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Appelés à fermer dès ce vendredi soir pour quatre semaines au moins, les salons d’esthétique et d’onglerie parisiens ont dû faire face à un afflux de clientèle toute la journée. Ce nouveau confinement inquiète la profession.
A Paris, le 19 mars. Yuqin Lamidiaux craint la fermeture de son salon pendant le confinement. (Marie Rouge/Libération)
par photos Marie Rouge et Elhia Pascal-Heilmann
publié le 19 mars 2021 à 18h14

Dans le chaleureux petit salon d’esthétique et d’onglerie de Min Lin, dans le Ve arrondissement de Paris, le téléphone ne cesse de sonner. Le salon devra fermer ses portes d’ici quelques heures ce vendredi, pour quatre semaines au moins. L’annonce est tombée la veille : contrairement aux salons de coiffure, les centres d’esthétique des départements concernés devront garder leur rideau tiré, comme lors des précédents confinements. Résultat : les clients affluent. En l’absence d’une date de réouverture, tous cherchent à profiter de l’occasion pour s’offrir un dernier soin. Les cinq employés que compte l’établissement n’ont pas une minute à perdre et slaloment entre les postes de manucure.

Céline, 30 ans, cadre commerciale dans le quartier, a ses habitudes à l’institut de Min Lin. La jeune femme profite d’un moment de temps libre pour une manucure et une pédicure complète. Aujourd’hui, ce sera un vernis rouge. «Ça peut paraître futile mais par les temps qui courent, j’aime m’accorder du temps pour moi. Lors des précédents confinements, les soins en institut m’ont manqué, j’aime y relâcher la pression», déclare-t-elle en se faisant chouchouter les pieds. Consciente qu’il s’agit de la dernière fois avant un long moment, Seifana s’octroie elle aussi un instant de détente. A 14 ans, la jeune fille est scolarisée en filière sport-études, spécialité patinage artistique. Avec la fermeture des patinoires, elle met à profit sa matinée, normalement consacrée à la pratique de son sport, pour une épilation des sourcils et une pose de gel semi-permanent sur les ongles. «On ne peut plus rien faire, alors autant se sentir bien dans sa peau, surtout si c’est amené à durer», se résout l’adolescente.

«Laisser les gens comme des boules de nerfs»

A deux pas de là, c’est également l’effervescence chez Ligne et beauté, le salon de beauté d’Emilie Ughetto, 33 ans. Ici aussi, le carnet de rendez-vous est plein : alors qu’elle reçoit en moyenne une vingtaine de clientes par jour pour épilations et manucures, elle prévoit aujourd’hui d’en accueillir le double. Le temps accordé à chaque personne raccourcit un peu, et les créneaux se chevauchent. «Je me mets en quatre pour accueillir tout le monde, on a une clientèle d’habituées que je ne peux pas décevoir», souffle l’entrepreneuse. Des habitués, Yuqin Lamidiaux, 55 ans, gérante d’un salon de massage et d’épilation dans le même quartier, en attend elle aussi de nombreux. «Les clients sont stressés, ils ont besoin de se détendre. Il serait plus utile de nous laisser ouverts plutôt que de laisser les gens comme des boules de nerfs», ironise la praticienne.

Malgré les sourires et les échanges amicaux avec la clientèle, la colère gronde chez les esthéticiennes. Pour Min Lin, la décision de maintenir fermés les établissements d’esthétique est «incompréhensible». Elle et ses collègues se sentent «laissés pour compte». Avant la crise, son salon comptait deux enseignes. Après le deuxième confinement, son établissement du XIVe arrondissement a dû mettre la clef sous la porte, faute de pouvoir payer le loyer. Endettée à cause des pertes engendrées par les premiers confinements, l’entreprise s’est vue refuser à plusieurs reprises l’aide prévue par le fonds de solidarité. «Nous avons perdu la moitié de nos clients. A ce rythme-là, c’est la survie du commerce qui est en question», s’inquiète Min Lin.

Du côté des enseignes franchisées, la résignation est de mise. Au chômage partiel par intermittence depuis des mois, Pamela, 21 ans et employée d’un institut Body Minute, est «irritée» par cette nouvelle fermeture. «Parmi les clientes, ça râle, personne ne comprend ce qui se passe. Elles ne viennent pas s’épiler de gaîté de cœur mais parce qu’elles ne pourront plus le faire après», s’impatiente la jeune femme, alors que la liste des rendez-vous s’allonge. En attendant la fermeture, Eva, 24 ans, alternante dans le salon A vous de plaire, essaie de «voir le côté positif», «même si les fermetures à répétition portent atteinte au moral». «Nos clientes les plus fidèles reviendront dès la réouverture», veut-elle croire. Yuqin ne l’entend pas de cette oreille : gérante de son établissement, elle ne pourra pas toucher d’indemnisation pendant ces quatre semaines et craint que cette énième fermeture ne «lasse» les usagers.