La décision est tombée. Après sa convocation devant le Conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris fin septembre, Fabrice Di Vizio a découvert ce mercredi en début d’après-midi sa sanction : six mois d’interdiction d’exercer avec sursis et cinq ans d’interdiction de se présenter à l’ordre. Une décision, confirmée à Libération par une source proche du dossier, qui s’avère plus légère que la réquisition de six mois avec sursis mais assortis de trois mois ferme et dix ans d’interdiction de se présenter à l’ordre. La procédure visait des «manquements aux principes essentiels […] de la profession» du médiatique avocat. Plus précisément, ses confrères lui reprochaient des propos jugés vulgaires, grossiers et outranciers tenus sur des réseaux sociaux ou à la télévision, notamment sur le plateau de Touche pas à mon poste de Cyril Hanouna. Contacté par Libération, Fabrice Di Vizio n’exclut pas de faire appel.
«Deux ans de procédure pour ça…» réagit l’intéressé, qui estime la sanction légère mais pas insignifiante. «Je m’interroge sur la possibilité de faire appel, ajoute-t-il, [car] cette décision ouvre une brèche en termes de liberté d’expression de l’avocat qui participe au débat public.» S’il se lance dans un recours, il dit vouloir aller, s’il le faut, «jusque devant la Cour européenne des droits de l’homme». «Cette qualité de débatteur public m’est refusée mais a été reconnue à d’autres avocats et par la Cour de cassation… Si dans cinq ans je veux être candidat et tenir des propos comme Bolsonaro ou Trump, est-ce que je peux ou je serai sanctionné par l’ordre ?»
«Procès politique»
En amont de l’audience du 27 septembre, Fabrice Di Vizio avait dénoncé auprès de Libération un «procès politique» : «J’ai face à moi un ordre des avocats de Paris qui est soutien de Macron, soutien du gouvernement, et je suis la principale figure d’opposition au sein de l’ordre.» Dans une vidéo diffusée sur ses réseaux sociaux, où il compte une importante communauté (plus de 252 000 abonnés sur Twitter), notamment au sein des mouvances antivax et complotiste, il contre-attaquait : «Je serai donc jugé parce que je suis vulgaire et impétueux […]. Extraordinaire de considérer qu’au fond, je suis le digne héritier de Victor Hugo et de Zola en ce qu’ils étaient vulgaires et maintenant moi aussi.»
Di Vizio s’était présenté avec 200 partisans à sa convocation devant le Conseil de l’ordre à Paris. L’occasion d’un nouvel esclandre : il s’était ému et avait dénoncé sur Twitter une présence de forces de l’ordre à proximité de la Maison du barreau à Paris, «de façon à limiter des conditions d’accès» de ses soutiens à l’audience – des policiers et des gendarmes en réalité déployés pour la sécurisation du procès de l’attentat de Nice. Fabrice Di Vizio avait alors un temps refusé de participer à l’audience avant de se raviser. Quatre heures de débats avaient suivi, au cours desquels l’avocat avait reconnu la majorité des propos qui lui étaient reprochés. Il a plaidé que ceux-ci étaient «majoritairement destinés au président de la République et au gouvernement» et qu’ils participaient donc à «un débat d’intérêt public».
Pas sanctionné pour avoir incité son public à multiplier les recours
L’acte de poursuite visant Fabrice Di Vizio mentionnait également un tweet de l’intéressé dans lequel il annonçait vouloir mettre un terme au contrat d’une des collaboratrices de son cabinet car elle avait accepté de se faire vacciner. Mais aussi, ce qui n’a toutefois pas été retenu par l’ordre, d’avoir incité son public à multiplier les recours, d’abord au début de la crise du Covid-19, puis contre le pass sanitaire et la vaccination, «sans sensibiliser le public sur les aléas et le temps judiciaire», ni le prévenir contre les éventuelles condamnations dont ils pourraient faire l’objet.
Au début de la pandémie, Di Vizio proposait des plaintes «clé en main», rédigées en des termes identiques et sur un formulaire en ligne à remplir, contre l’ex-Premier ministre Jean Castex, l’ex-ministre de la Santé Olivier Véran, et Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale. Le tout moyennant une participation symbolique de quelques euros. Près de 20 000 plaintes avaient été déposées… toutes classées sans suite par la Cour de justice de la République, seule juridiction habilitée à juger des ministres.