A Mayotte, la crise de l’eau se déverse dans les tribunaux. Une plainte adressée au procureur de la République du tribunal judiciaire de Mamoudzou a été déposée le 28 décembre par une dizaine de résidents du département le plus pauvre de France à l’encontre du Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) et son délégataire, une filiale de Vinci. Les 15 plaignants dénoncent un risque immédiat de mort ou de blessures.
Le 101e département français connaît en effet sa plus importante sécheresse depuis 1997, aggravée par un manque d’infrastructures et d’investissements. Pour y faire face, l’État a intensifié ces derniers mois les coupures d’eau, jusqu’à n’y plus donner accès qu’un jour sur trois. Le gouvernement avait par ailleurs promis en septembre «un véritable plan Marshall pour Mayotte» : distribution des bouteilles d’eau, prise en charge de factures… Mais ces mesures se sont révélées «insuffisantes» face à une «eau boueuse, parfois contaminée par de la matière fécale», dénoncent le groupe d’habitants et une entreprise de cette île de l’océan Indien dans leur plainte.
Dans l’hexagone, «le scandale serait majeur»
Outre la pénurie, la potabilité de l’eau courante est régulièrement remise en cause dans cet archipel, peuplé de 310 000 habitants selon l’Insee, et soumis à une forte immigration clandestine en provenance notamment des Comores voisines. Dans cette plainte, les habitants indiquent notamment ne pouvoir se laver de manière satisfaisante ou souffrir de maladies gastriques. Les opérateurs – qui n’ont pas répondu aux sollicitations de la presse – ont notamment laissé «en libre accès» des réservoirs d’eau où des animaux «s’abreuvent», «ce qui est de nature à augmenter les risques de transmission» de maladies, affirme la plainte. «Des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine», pointent aussi les plaignants mahorais. L’entreprise qui s’est jointe à la plainte dénonce, elle, une baisse de son chiffre d’affaires dû au manque d’approvisionnement en eau.
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En saisissant le procureur, les plaignants espèrent «la fin de l’impunité des personnes qui n’ont pas, depuis des années, fait leur travail en connaissance de cause», a expliqué leur avocat, Emmanuel Daoud. «On a l’impression que Mayotte est un confetti» aux yeux des pouvoirs publics, «comme si ses habitants étaient de seconde zone, a-t-il fustigé, si le cinquième de ce qui est dénoncé dans cette plainte se passait dans un département hexagonal, le scandale serait majeur».