Leurs histoires sont tortueuses et à trous. Ils ont été abandonnés à la naissance et adoptés dans des conditions troubles, ou forcée à accoucher sous le secret. Tous partagent un même sentiment : celui de se heurter à des murs érigés par les institutions. Après des années de recherches, certains parviennent, parfois en contournant l’interdiction des tests ADN, à retricoter les mailles manquantes de leur histoire.
Enquête
«Ma colère n’est jamais partie, elle m’a transformée complètement»
Susana Da Silva Oliveira, 51 ans
«Je n’avais pas 18 ans, je vivais au Portugal. Quand je suis tombée enceinte, j’ai redouté la colère de mes parents. Alors je suis partie vivre à Paris. Ce bébé, je voulais le garder. L’assistante sociale m’a fait croire que vu que je n’avais pas d’argent pour la facture de l’hôpital, le seul moyen, c’était de laisser le bébé. Sinon elle préviendrait mes parents. A la naissance, j’ai dû hurler pour le voir, le personnel de l’hôpital ne voulait pas. L’assistante sociale était plutôt à l’écoute au début, mais elle répétait que j’allais m’en remettre, en refaire d’autres. Un jour, sa voix est devenue très sèche : “Le délai est passé. Il a été confié. C’est terminé.” Personne ne m’avait informée de l’accouchement sous X, j’ignorais ce que c’était. Je n’ai signé aucun papier. J’ai écrit une lettre pour qu’elle soit versée à son dossier, consultable à sa majorité