Menu
Libération
Incertitude politique

Après la dissolution de l’Assemblée, «nous devons faire en sorte que les familles monoparentales ne tombent pas dans les oubliettes»

Les travaux parlementaires destinés à améliorer le sort des mères isolées sont à l’arrêt depuis la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, dimanche 9 juin.
Les familles monoparentales sont portées par des femmes dans 82% des cas. (Thanasis Zovoilis/Getty Images)
publié le 10 juin 2024 à 19h44

Il aura fallu des années pour que le sujet s’impose dans l’échiquier politique et quelques secondes pour le voir balayé. Au lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale, les travaux parlementaires sur les familles monoparentales sont à l’arrêt. «C’était le sujet à la mode, tout le monde s’en était saisi, on en parlait dans presque toutes les formations politiques. Maintenant, nous devons faire en sorte qu’il ne tombe pas dans les oubliettes», lâche Monia Douadi, présidente de l’Association des familles monoparentales. Depuis mars, un groupe de travail regroupant des parlementaires de tous bords – sauf le RN – planchait sur une proposition de loi pour lutter contre la précarité de ces foyers, représentant pas moins d’un quart des familles françaises. Une initiative portée par un trio de députés – Philippe Brun (PS), Sarah Legrain (LFI) et Stéphane Lenormand (Liot) – ayant pleinement intégré les concernées dans le processus de construction de la loi en lançant le 8 mars «l’Assemblée des familles monoparentales».

Ce travail législatif s’est également trouvé appuyé par le rendu d’un rapport sénatorial fin mars, qui alertait, là encore, sur le manque de reconnaissance de ces foyers portés en majorité par des femmes (82% des cas). Dans la foulée de la première Assemblée des familles monoparentale», une mission gouvernementale a été lancée par Matignon. Confiée à la députée Renaissance Fanta Berete et au sénateur Xavier Iacovelli, prévue pour juillet, elle devait permettre d’identifier des pistes pour améliorer les dispositifs d’aides. En 2021, le taux de pauvreté des familles monoparentales a encore bondi à 32,3%, selon l’Insee.

«Avec la dissolution, la proposition de loi est en pause. Si Philippe [Brun] est réélu, nous reprendrons évidemment les travaux», nous écrit Noha Tefrit, collaboratrice parlementaire du socialiste Philippe Brun. En attendant, Monia Douadi prévoit de sécuriser le travail entamé : «On est en train d’éditer un petit document avec nos propositions, on va en profiter pour envoyer ça à toutes les formations politiques qui avaient entamé un travail sur le sujet.» Elle évoque notamment le calcul des aides sociales sur le reste à vivre, en particulier le quotient familial, ou encore l’évaluation de la pension alimentaire.

«On ne veut pas perdre de temps»

A la Collective des mères isolées, Aurélie Gigot n’entend pas non plus laisser ce sujet mourir durant cette période d’incertitude politique. «Pour l’instant, aucune indication ne nous est donnée quant au devenir de cette commission. On nous laisse entendre que, dans l’immédiat, tout est suspendu. On est en train de réaxer nos stratégies au niveau local. La commune de Ris-Orangis s’est déjà saisie de nos propositions», projette-t-elle. Un statut de parent isolé donnant accès à un certain nombre de droits afférents, notamment en termes d’accès au logement, aux prestations périscolaires, aux loisirs, à la culture, à la santé a été voté lors du dernier conseil municipal de cette commune d’Essonne. Des discussions sont également entamées avec Montpellier ou Strasbourg. «Il va falloir attaquer par le local si du côté du national ça ne tient pas. L’idée est de partir de la racine, par le bas, et ensuite de pouvoir continuer à militer pour un arbitrage national. On ne veut pas perdre de temps», insiste-t-elle.

«Pas vraiment surprise de la décision d’Emmanuel Macron», Monia Douadi l’assure, l’association «sera là pour rappeler l’importance de ce sujet et il reviendra de toute façon sur la table». Si le RN obtient la majorité aux prochaines législatives et souhaite reprendre le dossier, hors de question pour la Collective des mères isolées d’œuvrer avec l’extrême droite. Aurélie Gigot est ferme : «On a toujours été transpartisanes parce qu’il nous semblait que ces questions d’égalité républicaine devaient dépasser les clivages partisans. Néanmoins, on est éthiques dans nos fondements et on s’est toujours refusé à négocier avec le RN.»