Une «copine» qui sera «très aidante», des «alliés»… L’éphémère ministre des Solidarités et des Familles (elle ne sera restée que six mois en poste), Aurore Bergé, ne tarissait pas d’éloges pour les lobbyistes du secteur des crèches privées. Au sujet de cette collusion compromettante pour une membre du gouvernement, révélée dans le livre-enquête de Victor Castanet intitulé Les Ogres, la désormais députée macroniste avait balayé les faits d’un revers de la main et annoncé porte plainte contre l’auteur mardi : «c’est de la rumeur et de la diffamation». Ce jeudi 3 octobre, au micro de France Info, le journaliste d’investigation riposte en révélant les preuves de ce qu’il avance dans son ouvrage.
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«J’ai un certain nombre de documents que je désire rendre publics pour montrer qu’il y a un an, quand il y a eu deux livres consacrés aux secteurs des crèches privées et un début de scandale, il y a eu une entente entre Aurore Bergé […] et Elsa Hervy, déléguée générale de la fédération pour étouffer l’incendie et s’épargner mutuellement», avance le journaliste, confiant.
Ces pièces à conviction sont au nombre de trois : un échange de mails entre Elsa Hervy et les membres du cabinet de la ministre, où ces derniers sont étonnés de la gentillesse de la lobbyiste envers Aurore Bergé, qui répond «C’est une copine :) Elle sera très aidante avec moi». Puis deux captures d’écran de conversation sur WhatsApp. L’un où Elsa Hervy indique obéir au ministère ; l’autre entre les membres du cabinet d’Aurore Bergé, qui se transfèrent un message dans lequel la ministre d’alors parle des membres du lobby du secteur comme de ses «meilleurs alliés».
«Pacte de non-agression»
Quel intérêt pour chacune des parties ? Pour le lobby des crèches privées, être en capacité de «contrôler, de copiloter les annonces de la ministre, estime Victor Castanet. Ils vont d’ailleurs transmettre des éléments de langage à la ministre qu’elle va retranscrire lors de ses interventions». Et pour la ministre, une image impeccable : «les différents membres de la crèche privée n’ont émis aucune critique à l’endroit de la ministre et ont soutenu sa politique alors même qu’ils avaient beaucoup de choses à dire sur la politique de petite enfance du gouvernement», développe-t-il. En bref selon le journaliste, «un pacte de non-agression».
Petite enfance
Depuis la parution de son livre Les Ogres, Victor Castanet a fait l’objet d’auditions au Sénat et à l’Assemblée nationale. Mercredi, devant la commission des Affaires sociales de la chambre haute, il avait souligné l’étonnement de professionnels du secteur et de familles face au «silence assourdissant» des pouvoirs publics. Le président de la commission, Philippe Mouiller, a alors annoncé lancer une mission d’information sur «les outils de contrôle» du secteur de la petite enfance.
Les événements relatés dans de récents rapports et enquêtes sur les crèches privées sont «inacceptables», a estimé de son côté la nouvelle ministre chargée de la petite enfance Agnès Canayer, assurant œuvrer à des «solutions». «Je me suis saisie dès mon arrivée des rapports, particulièrement ceux de l’Igas [inspection générale des affaires sociales, ndlr], sur les problématiques soulevées dans le secteur de la petite enfance et j’ai pris connaissance des ouvrages sur le sujet», a déclaré Agnès Canayer.
Les «situations décrites sont inacceptables et ne doivent laisser personne indifférent», a-t-elle ajouté, assurant que sa priorité était «de garantir la qualité d’accueil légitimement attendue par les familles». Agnès Canayer a indiqué être en lien avec les acteurs de la petite enfance et les «institutions concernées notamment par le contrôle», pour «mettre en œuvre ensemble les solutions nécessaires».