Menu
Libération
Vie politique

Des citoyens consultés sur une loi en cours de rédaction via une application, une première en France

Depuis le 11 avril, les utilisateurs de l’application Pol peuvent débattre et se prononcer sur les articles de la proposition de loi sur la précarité des familles monoparentales, élaborée actuellement à l’Assemblée nationale.
L’ambition initiale de l’application Pol était de «rapprocher les citoyens de l’actualité politique mais aussi de leurs élus», avec pour objectif de «leur permettre de participer à l’élaboration de lois», selon son cofondateur Eloi Ardail. (Sciences Po)
par Alexia Lamblé
publié le 18 avril 2024 à 7h45

Participer à l’élaboration d’une loi en trois clics sur son téléphone, c’est possible. Depuis le 11 avril, l’application Pol, créée en mai 2023 par deux étudiants de Sciences Po Lille, propose chaque jour à ses utilisateurs un nouvel article de la proposition de loi transpartisane sur la précarité des familles monoparentales rédigée par les députés Philippe Brun (PS), Sarah Legrain (LFI) et Stéphane Lenormand (Liot). Cette dizaine d’articles permettrait selon leurs auteurs de régler «tous les problèmes auxquels sont confrontées les familles monoparentales».

Dès le mois de septembre 2023, un groupe de travail transpartisan lancé par Philippe Brun étudiait déjà les différentes résolutions relatives aux familles monoparentales. Après avoir organisé «des consultations civiques et des ateliers partout en France» et avoir créé la première «Assemblée des familles monoparentales» le 8 mars, le but de cette action en ligne est de «s’adresser à encore davantage de monde», d’après Philippe Brun.

Sur Twitter, le 11 avril, le député annonçait vouloir réaliser en «coconstruction» cette proposition de loi afin d’être «en phase avec les besoins des familles». Consulter les citoyens en ligne est, pour lui, «la meilleure manière de faire la loi. Elle permet à chacun de pouvoir l’amender, l’améliorer et aussi de créer une mobilisation politique autour de cette proposition, car on a besoin de la faire inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, ce qui sera plus facile s’il y a un engouement citoyenne autour». D’autant que ce sujet est «socialement écrasant – cela concerne 25 % des familles – mais politiquement invisibilisé», selon lui.

Auparavant, seule Axelle Lemaire, à l’époque secrétaire d’Etat au Numérique, avait proposé une «discussion publique ouverte» en ligne autour de son projet de loi pour une République numérique. Celle-ci avait remporté un gros succès avec plus de 21 000 contributeurs, 150 000 votes, plus de 8 500 arguments et avait finalement été promulguée par le président de la République François Hollande en octobre 2016.

«Eviter des écueils»

L’ambition initiale de l’application Pol était de «rapprocher les citoyens de l’actualité politique mais aussi de leurs élus», avec pour objectif de «leur permettre de participer à l’élaboration de lois», selon Eloi Ardail, cofondateur avec Eloïse Sicre de l’application.

Le concept est simple. Lorsque l’on s’inscrit sur l’application Pol, on renseigne le nom de notre rue, ce qui nous affilie à notre circonscription. Chaque jour, on vote sur une question relative à un texte qui a été étudié à l’Assemblée nationale ou une question d’opinion de type sondage. Un encart explicatif de l’article est également disponible pour faire comprendre ses enjeux. Le lendemain, les résultats de la question de la veille sont publiés. On y retrouve les résultats de l’Assemblée, l’opinion des utilisateurs de l’application, les résultats à l’échelle de notre circonscription et ce qu’a voté le député de la circonscription. Pour la première fois, les participants peuvent se prononcer sur une loi en cours de rédaction.

La partie «suggestion» en plus du vote permet pour Philippe Brun «d’éviter un certain nombre d’écueils, de rajouter des choses auxquelles on n’avait pas pensé. Les gens proposent des amendements. Là, par exemple, sur la question du 12 avril [«le statut de parent isolé doit-il être considéré dans l’attribution de logements sociaux ?» ndlr], on a une personne qui propose d’ajouter une clause concernant les revenus : une famille monoparentale déclarée comme «très riche» ne doit pas avoir son droit de priorité pour le logement social».

«Un carton»

Lancée depuis six jours, la consultation est «vraiment un carton, se réjouit Philippe Brun. Toutes les suggestions que nous avons reçues sont extrêmement riches». «En cinq jours, on est sur plus de 50 000 votants et 600 suggestions», développe Eloi Ardail. Les résultats et les suggestions sont ensuite envoyés à Philippe Brun pour qu’elles soient étudiées.

La consultation devrait durer encore une quinzaine de jours. Puis aura lieu un nouveau «moment démocratique final, un peu comme une synthèse à la fois de ce qui a été dit en ligne et de ce qui a été dit dans les ateliers, explique Philippe Brun. Une Assemblée représentative pour les familles monoparentales votera pour les propositions qu’elles souhaitent intégrer» dans la proposition de loi. Celle-ci sera ensuite déposée à l’Assemblée nationale, puis inscrite à l’ordre du jour, d’ici «la rentrée parlementaire en septembre ou octobre prochain», espère Philippe Brun.