Dimanche, alors que près de 20 millions d’électeurs pourraient ne pas aller voter, selon l’institut de sondage Ifop, deux conseils seront renouvelés : les conseils régionaux mais aussi départementaux. La loi Notre de 2015, portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, a redessiné leurs compétences. Voter aux départementales, c’est indirectement influer sur la construction, l’entretien et l’équipement des collèges ; l’équipement rural, la gestion de l’eau et de la voirie rurale ; les routes départementales. C’est surtout pouvoir peser sur l’action sociale, qui représente selon le gouvernement «en moyenne plus de la moitié du budget de fonctionnement» des départements, et concerne les personnes handicapées, les personnes âgées, les prestations légales d’aide sociale comme le revenu de solidarité active (RSA).
Mais aussi l’aide sociale à l’enfance. En 2019, plus de 310 000 mineurs ont bénéficié d’une prestation de la protection de l’enfance. Selon Baptiste Cohen, responsable du pôle Protection de l’enfance des Apprentis d’Auteuil, 196 000 d’entre eux ont été hébergés dans un «foyer». La fondation est l’un des opérateurs missionnés par quelque 45 départements, elle prend chaque jour en charge 5 300 jeunes.
Que financent les départements exactement dans la protection de l’enfance ?
L’aide à l’enfance est financée à 100% par les départements, elle représente 8,5 milliards d’euros, sans compter le personnel. Les dépenses directes concernent la prise en charge par les établissements. Toit, vêtements, nourriture, blanchiment, parfois même loisirs… Tout ce dont le jeune a besoin. Pour les 171 000 cas de missions en milieu «ouvert», les frais concernent principalement le temps passé par les travailleurs sociaux, dans les familles, et pour certains, un accueil de jour.
80% de cette charge découle en fait de décisions prises par des magistrats. Car en matière de protection de l’enfance, les décisions peuvent être prises de deux manières : par les services sociaux des départements, ou bien par décision de justice, par des magistrats. Donc les départements ne décident pas seuls de la politique de l’aide à l’enfance.
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Ces dépenses ont-elles évolué avec le temps ?
Entre 1998 et 2018, les dépenses d’aide sociale ont augmenté de 46% en moyenne sur le territoire national. Certains départements se plaignent d’ailleurs d’un sujet en particulier : celui des mineurs non accompagnés, qui relèvent de la protection de l’enfance. Mais comme ils sont étrangers, des départements considèrent que les dépenses devraient être soutenues par l’Etat.
Pourquoi l’élection de dimanche est-elle importante pour la protection de l’enfance ?
Il y a un enjeu, celui d’élire des gens qui vont donner du sens. L’action sociale n’est pas forcément une charge. La puissance publique apporte son soutien à des personnes qui sont fragiles, à un moment de leur vie. Pour que le vivre ensemble fonctionne, des actions peuvent être conduites.
Mais ce n’est pas l’enjeu le plus important. Ce qui compte pour nous n’est pas de dire que tel ou tel résultat d’élection aura un meilleur effet sur les financements. Le problème est que le débat sur la protection de l’enfance n’a pas lieu. Il faut que les institutions se parlent et travaillent ensemble : départements, Etat, éducation nationale, santé publique, opérateurs… Il faut intégrer à toute cette gouvernance les jeunes et les familles. Et pour avoir une protection plus tournée vers les familles, les élus jouent un rôle important.
Lancé en 2019, le projet de loi relatif à la protection des enfants a été présenté par Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles, au Conseil des ministres ce mercredi. Les propositions vous semblent-elles satisfaisantes ?
Ici encore, le projet n’inclut pas les familles, pourtant, elles sont un acteur de premier plan. On voudrait sortir d’un schéma où les familles ne seraient là qu’avec leurs difficultés, alors qu’elles portent aussi des compétences, une histoire… Ces interlocuteurs n’ont pas que besoin d’aide, nous en avons besoin pour comprendre leurs besoins et ressources. Il en va de même pour les mineurs non accompagnés. On peut comprendre qu’il y a des contraintes financières. Mais ces enfants sont des personnes qui ont besoin d’assistance avant tout, avant d’être une charge ou un risque pour l’Etat. Ils ont eu des raisons de partir, des choix durs de migrations, et ont besoin d’un accompagnement éducatif. Et ils ont beaucoup à nous apporter, à partager.
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