Les familles qui souhaitaient adopter un enfant ukrainien vont devoir attendre. En conséquence de la guerre en Ukraine, toutes les procédures d’adoption internationale d’enfants résidant dans le pays sont suspendues en France pour une durée de trois mois. Il en est de même pour les enfants originaires de Russie. Selon l’Association des parents adoptant en Russie (Apaer), qui porte aussi sur les adoptions en Ukraine, «une trentaine de dossiers sont en attente pour la Russie, et un peu moins pour l’Ukraine». «Nous allons rester très vigilants suite à cette suspension. Ici, des familles attendent des enfants et là-bas, des enfants attendent des familles», pointe Marie Garidou, présidente de l’Apaer.
Suspension courante
La suspension «s’applique aux dossiers n’ayant pas donné lieu à une décision des autorités ukrainiennes compétentes de mise en relation entre l’enfant et les candidats à l’adoption», précise l’arrêté publié le 8 mars au Journal officiel. Les candidats à qui un enfant a déjà été présenté ne sont donc pas concernés. Ceux qui ont l’intention de déposer un dossier ont, eux, jusqu’à août pour s’enregistrer à la Mission de l’adoption internationale, un organisme rattaché au ministère des Affaires étrangères.
La décision de suspendre les procédures est courante et était attendue. Elle s’impose lorsque des catastrophes naturelles ou des conflits armés surviennent dans un pays, comme c’est le cas en Ukraine. D’abord pour des raisons administratives. Les tribunaux ukrainiens ne sont pas en mesure de fonctionner et donc de délivrer les autorisations nécessaires. Il s’agit aussi d’une mesure de protection des plus jeunes. «Dans des pays en guerre, de nombreux enfants sont arrachés à leurs parents et à leur proche famille et se retrouvent abandonnés à leur sort», explique l’Agence française de l’adoption (AFA) sur son site. Mais «pour qu’un enfant réfugié puisse être considéré comme adoptable, de gros efforts doivent être préalablement déployés afin de retrouver les membres de sa famille, chose impossible en cas d’urgence», précise-t-elle.
«Ce n’est pas un sauvetage»
«On n’adopte pas un enfant d’un pays en guerre», renchérit Anne Royal, présidente de la fédération Enfance & Familles d’Adoption (EFA). Elle souligne que vouloir adopter un enfant ukrainien pour répondre à la situation humanitaire et aux flux d’enfants réfugiés n’est pas une bonne idée : «L’adoption n’est pas un geste de sauvetage d’un enfant, c’est un projet personnel et familial mûrement réfléchi. Il est aujourd’hui plus important de s’occuper des enfants déplacés et de répondre à leurs besoins alimentaires.» Il faudra ensuite chercher les membres de leur famille. «Il faudra du temps pour vérifier que les enfants qui ont perdu leurs parents ne peuvent pas être pris en charge par leur entourage. Cela peut prendre des années. Ils ont des oncles et tantes, des grands-parents, qui vont sûrement se réunir après la guerre», précise Anne Royal. Elle ne s’attend donc pas à une explosion des adoptions d’enfants ukrainiens dans les mois à venir.
Les cas étaient déjà rares. Moins d’une dizaine d’enfants originaires d’Ukraine sont adoptés chaque année en France depuis 2014. Ils étaient huit en 2018, puis quatre en 2019 et trois en 2020. Sept ont été adoptés en France en 2021, soit moins de 3 % des 252 enfants étrangers adoptés cette année-là.
Procédures compromises
L’adoption d’enfants ukrainiens avait déjà été remise en question début février par la nouvelle loi sur l’adoption. Elle interdit les adoptions internationales par démarche individuelle, c’est-à-dire que les parents candidats ne peuvent plus directement contacter un orphelinat à l’étranger. Ils doivent obligatoirement passer par un intermédiaire public tel que l’Agence française de l’adoption ou un organisme agréé pour l’adoption. Or l’Ukraine n’accepte que les démarches individuelles. Ce qui semble désormais compromettre toute adoption. «On peut espérer que les dispositions de cette loi s’assouplissent ou tiennent compte du contexte quand la paix sera revenue», espère Marie Garidou.
La guerre affecte surtout les familles qui ont déjà adopté des enfants en Ukraine. «Il est difficile pour elles de voir les images à la télé et de se dire que le pays qu’ils ont connu est en grande difficulté», souligne Anne Royal. Marie Garidou confirme. Elle est mère de deux filles, l’une née en Ukraine, l’autre en Russie. «Pour nous qui connaissons bien ces deux pays, c’est un déchirement de voir le conflit qui les sépare et de voir la situation pour les civils en Ukraine.» Elle s’inquiète aussi pour les enfants actuellement présents dans les orphelinats ukrainiens : «Ils ne doivent pas être oubliés.»