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Le Libé des écrivains

Les parents orphelins en quête de mot, par Mathieu Simonet

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En français, il n’existe pas de mot pour désigner les parents endeuillés par la perte d’un enfant, comme c’est le cas en arabe par exemple. Cette absence pousse certains à encourager la création d’un terme spécifique, car l’enjeu est symbolique et juridique.
L'absence de mot pour désigner les parents endeuillés par la perte d’un enfant pousse certains à encourager la création d’un terme spécifique. (Westend61/Getty Images)
par Mathieu Simonet
publié le 12 avril 2024 à 6h48

A l’occasion du Festival du livre de Paris les 12, 13 et 14 avril, nos journalistes cèdent la place à des autrices et auteurs pour un numéro exceptionnel et un supplément de 8 pages spécial Québec. Hervé Le Tellier et Dany Laferrière sont les rédacteurs en chef de cette 17e édition du Libé des écrivains. Retrouvez tous les articles ici.

Marie me donne rendez-vous dans un café qui s’appelle Le Murmure. Elle préfère que je ne prenne aucune note. Elle a peur de ne pas pouvoir me parler si elle me voit écrire. Son fils, Mathieu, était un artiste de 20 ans. Il tenait un journal sous la forme d’autoportraits qu’il dessinait selon un protocole précis. Sa dernière œuvre date du 13 février à 23 heures. Il est décédé accidentellement quelques heures plus tard. Depuis, Marie a perdu la notion du temps et de l’espace. L’absence de mot pour désigner les parents qui ont perdu un enfant (l’équivalent de «veuf» ou d’«orphelin») représente aussi pour elle une perte de repère. Pour engager une réflexion collective sur ce mot qui n’existe pas, elle a rédigé une lettre manuscrite à treize destinataires : un éditeur de dictionnaires, une anthropologue, un historien, etc. La plupart lui ont répondu. En parallèle, elle a mené son enquête. Elle a écrit un texte Ça ne se dit pas qui a été mis en scène, accompagné d’un débat.

Pendant un an, elle s’est consacrée à ce combat. Cela a fini par la m