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Natalité en France : moins de 700 000 bébés nés en 2023, une première depuis la Seconde Guerre mondiale

Depuis dix ans, les naissances ne cessent de reculer pour atteindre cette année un niveau historiquement bas, selon les chiffres de l’Insee publiés ce mardi 16 janvier. La France reste toutefois le pays avec le plus haut taux de fécondité en Europe, où elle est en moyenne de 1,53 enfant par femme.
par Marie Gréco
publié le 16 janvier 2024 à 11h50
(mis à jour le 16 janvier 2024 à 17h03)

Alors que le recensement de la population s’ouvre jeudi, les données démographiques révélées par l’Insee dressent le portrait d’une France vieillissante. Au 1er janvier 2024, 68,4 millions de personnes (estimations provisoires) vivent sur le territoire français, soit une hausse de 0,3 % par rapport à l’an dernier. Une faible croissance due à un solde naturel en baisse, à savoir une baisse de la natalité plus importante que celle des décès.

Impact de l’inflation

Depuis dix ans, la natalité ne cesse de chuter en France. En 2023, elle était au plus bas. En un an, 678 000 bébés ont vu le jour, c’est près de 7 % de moins qu’en 2022. «C’est une baisse sans précédent», appuie Sylvie Le Minez, cheffe de l’unité des études et enquêtes démographiques à l’Insee. Pour l’organisme, ce passage sous le cap des 700 000 naissances s’explique par un déclin de la fécondité.

C’est la nouveauté de 2023 : les femmes, qu’importe leur classe d’âge, font moins d’enfants, y compris celles de 30 ans ou plus qui étaient peu concernées par ce recul de la fécondité avant la crise sanitaire. Ainsi, l’indicateur conjoncturel de fécondité s’établit à 1,68 enfant par femme contre 1,79 un an plus tôt. D’après la démographe, les raisons de cette baisse seraient multifactorielles. Elle pointe notamment un impact de l’inflation : «L’augmentation générale des prix, qui pèse sur les ménages, peut altérer l’envie d’avoir des enfants.» Selon la démographe, cette baisse peut être liée à la difficulté qu’ont les femmes à concilier leur vie de famille avec leur vie professionnelle. «Parce que la charge des enfants repose toujours principalement sur elles», insiste-t-elle. La France reste toutefois le pays avec le plus haut taux de fécondité en Europe, où la natalité moyenne tourne autour de 1,53 enfant par femme.

Baisse du nombre de décès

Après trois années de forte mortalité, due à l’épidémie de Covid-19, elle a diminué en 2023. Avec 631 000 personnes décédées, c’est 6,5 % de moins qu’en 2022. «La chute est nette parce que les épidémies de grippe et les périodes de canicule ont été moins intenses que les années passées», développe Sylvie Le Minez. L’Insee relève cependant que la mortalité à tendance à augmenter plus vite depuis une dizaine d’années. Alors que l’institut constate une hausse de 0,7 % de décès par an en moyenne entre 2004 et 2014, il note une croissance de 1,9 % entre 2014 et 2019.

Cette baisse de la mortalité ne permet pas de pallier la chute de la fécondité. De fait, bien que le solde naturel reste positif, il se resserre. Ainsi, l’Insee évalue la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès à 47 000. En berne depuis 2007, elle s’était redressée en 2021 à la suite d’un léger rebond de la natalité. Ça n’a été que de courte durée. «Depuis la Seconde Guerre mondiale, cet indicateur n’avait jamais été aussi bas hormis en 1993 et 1994», détaille la démographe. Pour elle, le solde naturel pourrait devenir négatif (plus de décès que de naissances) dans les années à venir. Estimé par l’Insee à +183 000 personnes pour 2023, le solde migratoire (la différence entre le nombre de personnes qui sont entrées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont sorties) pourrait venir le contrebalancer.

Vieillissement de la population

L’espérance de vie atteint, elle, des records. En 2023, elle s’élève à la naissance à 85,7 ans pour les femmes (+0,6 par rapport à 2022) et à 80 ans pour les hommes (+0,7) – une première. «Une très forte hausse», selon Sylvie Le Minez. En effet, après avoir chuté lors de la crise sanitaire, elle dépasse à présent le niveau d’avant la pandémie. Même scénario pour l’espérance de vie à 60 ans, qui a augmenté de 0,1 an pour les femmes et de 0,3 an pour les hommes entre 2019 et 2023.

Bien qu’un écart soit encore perceptible entre l’espérance de vie des femmes et celle des hommes, il a tendance à se réduire. D’après l’Insee, celle des Françaises croît effectivement moins vite depuis 1990. «Auparavant, cette différence entre les deux sexes était expliquée par le fait que les femmes ne travaillaient pas. On disait aussi qu’elles vivaient plus longtemps parce qu’elles fumaient et buvaient moins que les hommes. Aujourd’hui, leurs habitudes de vie se ressemblent davantage, donc l’écart se resserre», précise la démographe.

Par ailleurs, cette hausse de l’espérance de vie participe également au vieillissement de la population française. D’après l’Insee, 21,5 % des habitants auraient 65 ans ou plus tandis que 17 % ont moins de 15 ans. La population active, quant à elle, s’élève à 40 %. D’après l’Insee, la France n’est pas un cas à part. Cette situation est commune à tous les pays de l’Union européenne. «Cela s’explique par l’arrivée au grand âge des enfants du baby-boom», analyse Sylvie Le Minez. En effet, en 2024, les plus vieux d’entre eux auront 78 ans.