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Pour les aidants, l’enjeu de combattre cette «impression de ne pas en faire assez»

Le handicap au quotidiendossier
La journée nationale des aidants se tient ce dimanche 6 octobre. L’occasion de mettre en lumière la réalité de millions de Français qui soutiennent un proche malade, âgé ou en situation de handicap.
Un aide-mémoire fait par des aidants. (Hugo Ribes/Item pour Libération)
par Romane Lafosse-Marin
publié le 6 octobre 2024 à 8h17

Ce dimanche 6 octobre, la journée nationale des aidants tente de braquer les projecteurs sur une réalité souvent occultée : celle des 11 millions de Français qui soutiennent un proche malade, âgé ou en situation de handicap. Qu’elle soit physique, émotionnelle, ou financière, l’aide peut prendre des formes multiples. Mais aussi peser sur les épaules de ceux soutenant leurs proches, touchés par le stress, l’épuisement, ou l’isolement. Selon le dernier baromètre April/BVA, 17% des aidants consacrent vingt heures et plus par semaine à aider leur proche.

Caroline, 49 ans, mère de trois enfants, dont des jumeaux atteints du syndrome de Prader-Willi, une maladie génétique dont les symptômes peuvent être très variés, vit un quotidien épuisant. «Je dois tout anticiper. Chaque crise, chaque piqûre, chaque rendez-vous… et condenser tout ça les jours où je ne travaille pas.» Elle a dû passer à temps partiel, elle qui «n’a jamais voulu arrêter de travailler». Le quotidien de cette femme séparée de son ex-conjoint ? Ses enfants. «Au milieu de tout ça, moi, je m’oublie. Je n’ai pas de sas de décompression.» Avec l’évolution de la maladie de ses jumeaux, elle vit dans «l’angoisse du futur».

«Beaucoup de gens n’ont pas conscience d’être des aidants»

Nathalie, 58 ans, n’a commencé à vraiment se sentir «aidante» qu’en 2020, alors qu’elle veille déjà depuis dix ans sur sa mère, aujourd’hui âgée de 89 ans. Le déclic ? Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer formulé par les médecins. Balades, rendez-vous médicaux, aide administrative, soutien moral et physique… Nathalie est omniprésente pour sa mère. Jusqu’à cette décision, difficile mais «libératrice», de la placer dans un Ehpad l’an dernier. «Ça allège mon quotidien. Même si je continue d’y penser tout le temps et d’être au téléphone constamment avec l’établissement.»

Pour Sigrid Jaud, cofondatrice de la communauté Aidants et bien +, «beaucoup de gens n’ont pas conscience d’être des aidants. On pense souvent que s’occuper d’un proche, c’est normal». Mais comme l’indique Nathalie, «voir l’état d’un proche se dégrader, c’est difficile. C’est sans doute ce qui pèse le plus. Et puis, il y a la culpabilité qui vient s’ajouter à chaque absence, chaque moment d’indisponibilité… On a toujours l’impression de ne pas en faire assez».

Elisabeth a été aidante pendant plus de dix ans pour sa mère, Caroline, morte en août 2022. Des années éprouvantes. La maladie dégénérative de sa mère a envahi son quotidien, ainsi que celui de son père, Maciel : «Un jour, mon mari m’a dit qu’il fallait que je fasse attention à ma propre santé, car je ne parlais que de ça. C’était devenu ma vie.» Quant à Maciel, il a vécu «très isolé» avec sa femme jusqu’à la fin. Aujourd’hui, le père et la fille réalisent à quel point ils auraient eu besoin de plus de soutien. «Ce qui nous a manqué, c’est un appui psychologique. Nous avons tout affronté seuls.»

Créer un statut légal

Pourtant, des plateformes existent pour s’orienter et rendre les offres de soutien plus accessibles. Centr’Aider, un réseau francilien lancé en 2017, a pour mission de mieux faire connaître des services disponibles. Nathalie, elle, s’est appuyée sur le programme AIDA, dans les Hauts-de-Seine, qui offre un accompagnement psycho-éducatif sur mesure. Elle a ainsi pu bénéficier de cinq séances avec un psychologue, un soutien précieux dans son parcours.

L’Etat a également amorcé une timide mobilisation, par le biais notamment d’une stratégie pluriannuelle portée par l’ancienne ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé et l’ancienne ministre déléguée aux Personnes handicapées Fadila Khattabi. Principale action, le lancement d’une campagne nationale de communication le 22 septembre. Du côté des associations, on formule souvent un souhait : créer un statut légal d’aidant, qui permettrait de «changer le regard que la société leur porte», comme le résume Sigrid Jaud.