Pourtant conçue comme un refuge pour les mineurs aux familles défaillantes, l’Aide sociale à l’enfance (ASE), régie par les départements, est à nouveau accusée de mettre elle-même en danger les enfants placés sous sa responsabilité. Ici pour des faits d’une extrême gravité bien que connus des responsables publics : des adolescents, en majorité de jeunes filles, victimes des réseaux de prostitution. Ce mercredi 29 avril, des familles d’enfants de l’ASE ont engagé des recours contre trois conseils départementaux — l’Essonne, les Yvelines et les Bouches-du-Rhône – pour faute en responsabilité, révèle France info. Les accusations visent directement les présidents de ces territoires, au titre de leur compétence sur la protection de l’enfance.
Un «phénomène national»
«Nous lançons l’alerte pour que tout le monde sache qu’en France, à l’heure actuelle, des petits garçons et des petites filles se prostituent en très grand nombre, dans l’inaction totale des présidents de département», avance l’avocat Michel Amas auprès de France info, qui dénonce un «phénomène national». Pour le conseil, qui défend une trentaine d’enfants, c’est l’absence de réaction et d’organisation de l’Etat dans la protection de ces mineurs placés qui est visée. En clair, des manquements graves. Il s’insurge : «Nous livrons les enfants aux chiens».
Reportage
C’est le cas de la fille aînée d’une mère de famille citée par le média public. À tout juste 13 ans, elle se retrouve embarquée dans un réseau de prostitution, séquestrée par des proxénètes dans un Airbnb à Toulon, «forcée à prendre de la cocaïne, à faire des passes». Une éducatrice abonde : «A Marseille il n’y a pas un foyer où j’ai mis les pieds où il n’y a pas de prostitution». Elle évoque un système bien rodé, avec des «gamines» qui, à partir de 22 heures se préparent et des «voitures qui défilent».
Failles exploitées par les réseaux de prostitution
Ces témoignages ne sont pas des cas isolés. En France, 15 000 à 20 000 mineurs seraient victimes de prostitution, très majoritairement des filles et très majoritairement issus de l’ASE. Ciblés par les proxénètes, les foyers de l’Aide sociale à l’enfance concentrent les critiques : manque de surveillance et de personnel, fugues des mineurs, absence de suivi médico-psychologique… Aujourd’hui, les foyers ne sont contrôlés que tous les cinq ans par les départements. Des failles que les réseaux de prostitution savent exploiter.
Enquête
Ces dysfonctionnements sont tels qu’une commission d’enquête sur «les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance» a été lancée en avril 2024 à l’Assemblée nationale et a rendu un rapport accablant un an plus tard. Selon France info, le ministère de la Justice reconnaît une situation critique, évoquant une défaillance. Une circulaire aurait été envoyée en début de semaine pour renforcer les contrôles dans les foyers de l’ASE, et une vérification par chaque parquet, d’ici la fin de l’année, de l’ensemble des structures de placement.