A partir de ce 1er janvier, les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h ne seront plus sanctionnés par le retrait d’un point sur le permis de conduire. En revanche, l’amende – de 68 ou 135 euros selon la zone – est conservée. Cette mesure du gouvernement («de bon sens», selon le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin) fait bondir la Ligue contre la violence routière. Son président, Jean-Yves Lamant, fustige un choix qui va à «contresens» de la réalité scientifique, acté selon lui par «acceptabilité sociale».
Pourquoi qualifier cette mesure de «non-sens» ?
C’est un non-sens car l’enjeu est de faire cesser l’hécatombe. Depuis 2013, le nombre de personnes tuées sur les routes de France métropolitaine oscille entre 3 000 et 3 500 décès par an, hormis en 2020 et 2021, des années marquées par la crise sanitaire et les confinements, et où le nombre de morts a diminué. Alors qu’on ne parvient plus à faire baisser la mortalité routière, on prend pourtant une mesure qui risque de relâcher la pression et d’inciter indirectement les Français à ne pas faire attention.
La France, avec d’autres pays européens, s’est pourtant engagée à diviser par deux le nombre de blessés graves sur les routes en 2030, par rapport à 2020. Au plus long terme, elle vise zéro décès et blessé grave sur les routes d’ici 2050 [dans le cadre d’un projet porté par la Commission européenne, ndlr]. Plus largement, les mesurettes qui ont été annoncées au conseil interministériel au mois de juillet ne permettent pas de dire que le gouvernement a pris conscience de la situation.
Pourquoi les «petits» excès de vitesse ne sont-ils pas anodins ?
Des études montrent leur dangerosité. La proportion d’accidents mortels liés aux excès de vitesse à faible allure est passée de 16 % en 2001 à 46 % en 2010 [les chiffres disponibles les plus récents]. Concrètement, si vous avez une collision entre un véhicule roulant à 30 km/h avec un piéton, l’automobiliste a une chance sur dix de le tuer. A 50 km/h, la probabilité de mettre fin à ses jours est de 90 %. De façon simpliste, une variation de vitesse de 1 % induit une variation du nombre d’accidents mortels de 4 %. En tant que conducteur, on ne peut qu’être réceptif à ces chiffres, s’ils sont bien expliqués.
A qui profite la suppression de la perte de points ?
S’il y a bien une chose qui est juste en France, c’est le permis à points. Peu importe votre profession et niveau de salaire, vous vous situez au même niveau que tout le monde. Si vous ne respectez pas la loi, vous êtes sanctionné de la même manière. Là, on va favoriser les excès de vitesse de personnes qui pourront payer plus que les autres. Cela n’aura donc aucun effet sur leur comportement. Cette mesure a été décidée par quelques personnes au sommet de l’Etat pour acheter la paix sociale. Malheureusement, la sécurité routière est aujourd’hui devenue une variable d’ajustement.
Comment expliquer cette difficulté de l’exécutif à se saisir concrètement du sujet, comme l’a aussi illustré la marche arrière sur la limitation à 80 km/h ?
Jouer sur la vitesse est taxé par certaines associations de liberticide. Diminuer son allure, c’est contraignant certes, mais ça sauve des vies. Aujourd’hui, la seule boussole du gouvernement est l’acceptabilité sociale. C’est comme le tabac : au début, les gens ne sont pas contents, puis ils acceptent les choses pour préserver leur santé. Ici, c’est leur vie qui est en jeu. Quand on est en société, et en particulier sur la route, éviter que des passagers et automobilistes se fassent tuer, c’est faire preuve de solidarité et de vivre-ensemble. Les Français n’ont pas compris que l’accident, ça n’arrive pas qu’aux autres.