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Des vies entre les lignes

JP, «Papi Noël» est en or dur

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À la Gare du Nord, des vies entre les lignesdossier
Il est arrivé autour de la gare vers 20 ans, après un grave accident. Il en a 67 aujourd’hui, il ressemble au père Noël dit-on, et a quitté la gare pour une maison de retraite en Seine-et-Marne.
Jean-Pierre, 67 ans, originaire de Rennes, est SDF depuis près de cinquante ans. Il dort devant la porte Est de la gare, sur laquelle un de ses amis a écrit «Chez JP». (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
publié le 30 mars 2022 à 11h30

Cet article fait partie de notre exploration interactive de la Gare du Nord, à la rencontre des invisibles qui y vivent.

Jean-Pierre avait une chambre, après le premier confinement, chez «les Petites Sœurs des pauvres», un foyer d’accueil. Le vieil homme pantouflé, sur une chaise roulante, n’a pas résisté. Il a fugué, à la force des bras. «JP» connaît Paris comme l’écolier son poème et n’a pas eu de mal à retrouver son secteur : les gares. Il a longtemps erré dans celle du Nord, avant de se trouver un coin devant celle de l’Est. Là-bas, sur le mur contre lequel il a beaucoup dormi, son nom a été tagué : «Chez JP.» Les travailleurs sociaux pensent que le vieil homme a hérité d’un patrimoine génétique exceptionnel - «Avec ses années dehors, c’est comme s’il avait 100 ans.» Des histoires circulent pour l’étayer. Celle-ci, entre autres : une nuit de froid extrême, un sans-abri et lui se sont endormis dehors. Le premier, au petit matin, a été retrouvé en hypothermie. JP, lui, s’est levé sans séquelle et a tété son café, comme si tout était normal. Il a 67 ans, bientôt 68, dont environ cinquante dans la rue.

Jean-Pierre a la barbe blanche, une élocution étouffée (la mâchoire, les gencives et les dents ont morflé) et un vieux surnom, du temps où il était imbuvable à plein temps : «Papi Noël.» Qui l’approchait de près était rembarré à coups de grognements,