Cet article fait partie de notre exploration interactive de la Gare du Nord, à la rencontre des invisibles qui y vivent.
Un homme de la police ferroviaire a regardé sa montre, vers 1 heure du matin. Là, sa patrouille s’est approchée d’un type allongé, recouvert d’un drap blanc cassé. Un jeune gars, brun, mi-néerlandophone, mi-berbérophone, qui s’est levé en vitesse, sans qu’on le touche, comme s’il avait été effleuré par un fantôme. Il s’appelle Kamel, traîne une valise massive et pensait attendre son train du matin sur un banc transpercé de prises électriques. Non. Du doigt, l’agent lui indique la sortie, face aux chauffeurs de taxi, à côté des hôtels et d’un Burger King, où un sans-abri dort par terre, sur une plaque au sol. Celle-ci est voisine d’une poubelle, de masques usagés et d’une chaise de café déglinguée. Elle dégage de la chaleur, ce qui la rend précieuse.
La gare du Nord a fermé à 1 h 10 ce jour-là. Bruits de portes, de cadenas et d’ouvriers qui turbinent sur les rails. Bruits de distributeurs, quand un couple a chopé in extremis du chocolat avant de filer paisiblement. Et bruits de moteurs à l’extérieur, où démarrent les bus nocturnes : des sans-abris ou des galériens provisoires y grimpent pour s