Cet article fait partie de notre exploration interactive de la gare du Nord, à la rencontre des invisibles qui y vivent.
Mathieu est vivant, sur son vélo, dans le brouillard de la Somme. Sur le parking, devant chez lui, il reprend sa respiration pour chasser l’émotion. «Jamais j’aurais imaginé tomber si bas et remonter si haut», dit-il dans un sourire. On a surtout vu le moment où il allait s’étaler de tout son long en descendant de vélo : avec sa rose pour Odile dans les mains tremblantes, son guidon tanguait. Il n’avait pas revu «sa sauveuse» depuis ce jour de mai 2019. Quand cette agent SNCF l’a trouvé inconscient, la bouche ouverte, dans le sous-sol de la gare du Nord. Longtemps, l’image de Mathieu à l’hôpital l’a hantée : il avait un cathéter dans la gorge, parce que ses veines, trop usées par les injections de drogue, étaient inutilisables. Les médecins l’ont opéré à cœur ouvert, sans trop y croire.
Depuis, il n’est pas retombé. En cette matinée de retrouvailles, Odile l’enlace : «Tu as repris du poids, tu es au top.» Il est épais comme une brindille. Ses cheveux sont plaqués avec du gel. Il a 34 ans, mais en paraît davantage. La drogue lui a volé ses dents. Mathieu a les traits marqués de ceux q