Une partie du mystère s’est levée dimanche 31 mars sur la disparition d’Emile, 2 ans et demi, neuf mois après le début des recherches. Et ce grâce à la science. La veille, des ossements avaient été découverts vers le hameau du Haut-Vernet (Alpes de Haute-Provence), où le garçonnet s’était volatilisé le 8 juillet. Selon le communiqué du procureur, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale a effectué «des analyses d’identification génétique» sur les os qui lui ont été remis. Les scientifiques ont pu établir le lendemain qu’il s’agissait bel et bien du corps de l’enfant.
Marie-Gaëlle Le Pajolec, experte en empreintes génétiques et co-directrice du laboratoire Igna (Institut Génétique Nantes Atlantique), spécialisé en expertises ADN, revient pour Libé sur ces techniques.
Les ossements ont été retrouvés samedi, avec des résultats annoncés dimanche, est-ce que ces délais sont habituels ?
C’est un délai rapide, surtout un week-end – ils ont certainement dû avoir recours à un service d’astreinte. Mais si la demande doit être traitée en urgence, comme c’est le cas dans des affaires médiatiques comme celles-ci, et que les équipes sont mobilisées pour, c’est tout à fait faisable d’arriver à des résultats en 24 ou 48 heures. Cette rapidité n’atteint en rien la fiabilité qu’on peut attribuer à ces résultats : pour moi, il n’y a pas de doute sur l’identification [d’Emile], ce sont des techniques courantes et éprouvées. Dans mon laboratoire, nous y avons malheureusement recours chaque semaine pour des identifications de corps.
Quelles sont justement ces techniques ?
Quand les laboratoires reçoivent les ossements à analyser, ils commencent par prélever un bout d’os. Si c’est possible, suivant ce qui est retrouvé et envoyé, on préfère analyser les os longs : le fémur, les os du crâne ou bien des dents. Une fois ce prélèvement fait, on extrait l’ADN dans le noyau des cellules. A cette étape, on utilise une méthode appelée PCR : c’est la même que celle utilisée dans les tests Covid, mais pour une identification, elle nous permet d’analyser différentes régions de l’ADN. On peut ensuite trouver ce qu’on appelle une empreinte génétique, une sorte d’image code-barre, qu’on va pouvoir comparer.
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Deux options alors : soit la comparaison se fait avec l’empreinte obtenue à partir d’un prélèvement de référence de l’enfant (un vêtement, un objet dont il s’est servi…) soit avec celle de ses parents. Pour ce faire, on effectue un test de paternité, de maternité, souvent les deux. Je ne sais pas comment a procédé le laboratoire, mais chez nous, à l’Igna, on aurait, avant la réception des échantillons, déterminé l’empreinte génétique de l’enfant, vérifiée par comparaison avec l’ADN des parents, ce qui permet d’aller encore plus vite quand on reçoit de quoi faire les analyses pour identifier le corps. En vérité, la manière de faire est toujours la même, et il n’y a vraisemblablement pas eu d’innovation pour identifier ce petit garçon.
Est-ce que parvenir à des résultats aussi rapidement était envisageable il y a vingt ou trente ans ?
Sans doute pas. Je ne dirais pas pour autant qu’il y a eu de révolution récente en la matière. Comme ces techniques nous servent presque quotidiennement, il y a plutôt un ensemble d’évolutions régulières depuis de nombreuses années. En clair, on peaufine nos techniques : celles qu’on utilise pour extraire l’ADN sont plus performantes aujourd’hui, ce qui nous permet effectivement de gagner en rapidité – même si le délai de résultats d’un ou deux jours est déjà possible depuis environ dix ans.
Nous avons aussi des kits d’analyse plus sensibles sur l’ADN, et donc encore plus fiables. C’est important pour obtenir, par exemple, des résultats sur certains échantillons où l’ADN a été dégradé, souvent par des bactéries ou moisissures [qui risquent de se développer selon la nature, le lieu et le niveau de conservation des échantillons] : c’est pourquoi nous préférons des prélèvements osseux, ou sur des dents, qui sont des organes où il se préserve le mieux. Et cet ensemble d’évolutions explique pourquoi ces techniques marchent aujourd’hui très bien, sont fiables et quasi toujours utilisées pour identifier des corps lors d’enquêtes comme celle-ci.