Politique frictions
Jusqu’à la veille du premier tour des élections législatives, «Libé» sillonne des lieux de la vie quotidienne pour saisir et raconter ces moments de discussion impromptue où, soudain, la politique fait irruption.
Ce fut une galère sans nom pour se faire accepter dans un salon de coiffure pour papoter politique, le temps que les mèches prennent. «Ah mais vous ne connaissez pas la règle ? Jamais de politique dans un salon. C’est la base.» Une autre : «Trop risqué, si la patronne l’apprend, c’est la mort.» Ladite patronne, en congé mat, aurait textoté son équipe le soir de la dissolution : ordre de couper court dès que la discussion vire politique.
C’était avant de pousser la porte d’Auber’coif, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Le salon donne sur une rue calme, avec d’immenses baies vitrées et deux grands stores qui tamisent. Sur l’un, la photo d’un beau gosse brushé, col relevé et sourcil épais. Le salon avec carrelage blanc et fauteuils en similicuir noir donne l’impression d’un retour dans les années 90 : on se sent à l’aise dès la seconde où on entre. Isabelle Haïdra, 55 ans, accueille avec un sourire doux. «Je tiens ce salon depuis trente-trois ans. Ça parle de tout ici, c’est un village.» Beaucoup d’habitués, parfois d’une vie entière. Elle coiffe aussi les élus du coin, les «cocos» du temps d’avant, et la nouvelle majorité : la maire, Karine Franclet (UDI), par exemple. La politique fait partie de la vie du salon. A Aubervilliers, le 9 juin, 5 714 personnes ont voté pour Manon Aubry (LFI). Jordan Bardella (RN) est arrivé second avec 1 396 voix.
Le salon est plutôt calme en cette fin de matinée. Isabelle Haïdra retourne deux fauteuils face à face. On se croi