A la fin du film l’Histoire de Souleymane, en salles ce mercredi 9 octobre, le personnage principal se présente face un agent de l‘Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) pour lui raconter son histoire. Il doit détailler les raisons qui l’ont poussé à quitter dans l’urgence son pays d’origine, la Guinée. Une scène qui se joue tous les jours dans la vraie vie. Tout est long pour le demandeur d’asile. Le dossier à constituer avant de décrocher un entretien, puis la réponse, qui tombe dans un délai moyen de quatre mois.
En France, 142 500 demandes d’asile ont été déposées en 2023 – dont 124 000 premières demandes –, soit une hausse de 8,6 % sur un an. L’Afghanistan est le premier pays de provenance des demandeurs d’asile, avec plus de 17 500 premières demandes introduites, suivi du Bangladesh (8 600) et de la Turquie (8 500). Les décisions de protection sont également en hausse : 33 % des demandeurs ont obtenu une décision favorable – le statut de réfugié ou la protection subsidiaire – de l’Ofpra en 2023, contre 29 % en 2022 et 26 % en 2021.
Les agents de protection de l’Ofpra sont spécialisés par zones géographiques. Ils examinent les dossiers, auditionnent les demandeurs d’asiles, procèdent à l’analyse et à la qualification juridique des faits avancés. Comprendre : ils émettent un avis qui doit être validé par leur hiérarchie, permettant la délivrance, ou non, du statut de réfugié. Comment capter le vrai du faux ? Les agents de protection connaissent bien la situation politico-sécuritaire de leur zone, mais aussi certains décors, à force d’écouter les récits. «Parfois, on protège les personnes du simple fait de leur provenance, comme pour le sud de la Somalie ou le Darfour, explique Sébastien, un agent de protection. Forcément, de nombreux demandeurs affirment venir aussi de ces régions alors que ce n’est pas le cas. Les Tchadiens de l’est, par exemple, tentent de se faire passer pour des Soudanais du Darfour.»
Les agents de l’Ofpra évitent de parler de «mensonge»
Les agents de l’Ofpra demandent de nombreux détails durant les auditions. «Nous savons que c’est hyper stressant et important pour la personne en face de nous, elle peut avoir le trac ou bafouiller ; on en tient compte, poursuit Ludovic, un autre agent. On tique lorsque les choses se contredisent dans le récit.» Les agents ne prononcent jamais le mot «mensonge». Ils préfèrent employer des expressions comme «n’établit pas les faits allégués», ou parler de propos «contradictoires» ou «impersonnels».
Comment réagit un demandeur d’asile lorsqu’un agent pointe des incohérences ? «Ce n’est pas facile de dire à des personnes qui viennent de loin, dans des conditions difficiles, que leur récit ne tient pas debout, répond Sébastien. Face à nous, ils maintiennent souvent leur récit, qu’ils ont appris par cœur, pour éviter de devoir changer de version.» Les agents de protection de l’Ofpra, qui étaient en grève au printemps pour réclamer des moyens supplémentaires, ne jugent pas les histoires des demandeurs d’asile. Dans les mots de Sébastien, cela donne : «On part du principe que tout est possible, mais qu’il faut pouvoir l’expliquer.»