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A la barre

«Eviter qu’un mineur ne soit jugé comme un majeur» : des jeunes de la Gaîté lyrique contestent leur OQTF devant le tribunal de Paris

Trois adolescents du collectif des jeunes du parc de Belleville, visés par une obligation de quitter le territoire français depuis l’expulsion de l’établissement culturel, affirment avoir moins de 18 ans et demandent une autorisation temporaire de séjour. La décision a été mise en délibéré.
Evacuation de la Gaîté lyrique, à Paris, le 18 mars. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
par Maud Mathias
publié le 6 juin 2025 à 20h53

Plus de toit, et aucune certitude de pouvoir rester sur le territoire français. Ce vendredi 6 juin, trois adolescents membres du Collectif des jeunes du parc de Belleville contestaient devant le tribunal administratif de Paris l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui leur a été notifiée. Alpha, Moussa et Mamadou (1) faisaient partie des jeunes occupants du théâtre de la Gaîté lyrique, jusqu’à l’expulsion des lieux ordonnée par la préfecture de police de Paris le 18 mars 2025.

En marge de cette évacuation, les adolescents, originaires de pays d’Afrique de l’Ouest, sont interpellés par les forces de l’ordre et reçoivent au terme de leur garde à vue une OQTF, comme 20 autres membres du collectif. Une mesure d’éloignement qui ne s’applique qu’aux ressortissants étrangers majeurs. Or les membres du trio affirment avoir moins de 18 ans et revendiquent devant un juge des enfants le statut de mineur non accompagné. C’est sur ce fondement qu’ils demandent au tribunal administratif une autorisation temporaire de séjour. Ils n’étaient pas présents physiquement ce vendredi, mais représentés par leur avocate.

La préfecture «admet ne pas avoir mené un travail sérieux»

«Je m’interroge sur les signataires de ces OQTF», attaque la conseil des trois requérants, Me Laure Barbé. Les 23 ordonnances, toutes prononcées dans la même journée du 18 mars, sont signées de la même main. L’avocate dénonce un défaut d’examen et «des décisions d’OQTF stéréotypées, qui ne font aucune mention de l’âge déclaré ni des saisines adressées au juge des enfants». Preuve, selon elle, de la faiblesse de la procédure : la décision de retrait de sept de ces OQTF par la préfecture de police avant leur contestation. «Elle admet ne pas avoir mené un travail sérieux», soutient Me Barbé.

Lors de leur garde à vue, Alpha et Moussa ont présenté aux policiers leur acte de naissance. Des documents dont l’avocate de la préfecture de police de Paris, Me Sarah Rahmoun, conteste l’authenticité. Le troisième requérant a invoqué lors de son audition des problèmes de santé : atteint de diabète, il affirme être venu en France depuis la Côte-d’Ivoire pour bénéficier de soins, ce qui n’a «pas été pris en compte» selon Me Barbé. «Il existe des injections d’insuline pour le soigner en Côte-d’Ivoire», rétorque sa consœur de la préfecture.

Devant un parterre de soutiens du collectif, la représentante du Défenseur des droits a, de son côté, estimé que le recours de minorité des trois requérants ne permettait pas de leur délivrer une OQTF. «L’intérêt supérieur de l’enfant impose à la France d’apporter des garanties pour éviter qu’une personne mineure ne soit jugée comme un majeur», appuie-t-elle. Le tribunal a mis ses décisions en délibéré. Elles devraient être communiquées sous quinze jours.

(1) Les prénoms ont été modifiés.