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Témoignages

Français métissés : «Je n’ai jamais eu le sentiment d’être différente»

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Dans une France qui se métisse, où le racisme reste prégnant, parfois au sein même de leur famille, les enfants issus d’un parent blanc et d’un autre racisé se construisent une identité plurielle.
Pascal Breil-Dupont, Ines Zarrouk et Alice Mauricette. (Aglaé Bory/Libération )
publié le 5 avril 2024 à 21h08

Eté 1998. La France est en fête. Elle danse des Champs-Elysées au moindre village. Ça danse, chante, s’embrasse. La patrie est reconnaissante envers son équipe de football, la France «black-blanc-beur» est heureuse. La trombine de Zinédine Zidane s’affiche sur l’Arc de triomphe. Quelques jours après, Sandra épouse Taoufik. Une fête de l’autre côté de la Méditerranée, en Tunisie. De nombreux invités et des youyous. Taoufik est animateur dans un hôtel. Il est musulman, né dans un quartier populaire de la banlieue de Tunis. L’ancien handballeur a la tchatche, la classe. Sandra est institutrice, issue de la cambrousse poitevine. Entre eux, le coup de foudre a eu lieu un an plus tôt.

La narratrice de l’histoire se prénomme Inès : la fille aînée de Sandra et Taoufik. On la rencontre dans un café nord-parisien. Elle a 22 ans, les cheveux lisses et longs, d’un noir luisant comme ses pupilles, la peau mate, sans plus. Un physique inclassable. Elle a le droit à toutes les origines dans le regard des autres : thaïlandaise, vietnamienne, colombienne… Quand Inès parle de son métissage, elle lâche les mots : «force», «chance», «richesse». A l’école, elle se voyait blanche, comme les autres. A part pendant les vacances au bled, la Tunisie est peu transmise. Peu acceptée par la grand-mère, aussi. Le père ne parle pas arabe à ses deux filles – sa petite sœur s’appelle Lina, «des prénoms consensuels». Il fait ramadan dans son coin, prépare le couscous pour les grandes occasions m