Des photos décorent les murs du long couloir qui mène au salon. Des bouts de vie collés les uns aux autres : vacances au bled, kermesses et naissances. Mounir le prolixe propose de l’eau, du café, du thé ou «autre chose». Il parle encore et encore en restant debout. Le père de famille (trois adolescents) profite de notre présence pour mettre des mots sur son cas. Une sorte de délivrance. Mounir garde tout pour lui dans son quartier de Creil (Oise), sur les chantiers où il turbine, ou au café du centre-ville. A la tombée de la nuit, lorsque les enfants sont plongés dans leurs rêves, il fait le point sur la situation avec son épouse. Un rituel qui consiste à rafraîchir la page du site de la préfecture. «J’ai fait une demande pour le renouvellement de ma carte de résidence en novembre mais je suis toujours en attente, dit-il les sourcils froncés. Je suis en situation irrégulière, à cause des retards de la préfecture, depuis le mois de janvier.» Il ne trouve plus le sommeil.
Mounir, 51 ans, est un long type à la voix grave. Il est arrivé dans l’Oise au début du siècle après son mariage avec Samira. Les deux se connaissent depuis toujours, où presque. Elle passait tous ses étés en Kabylie, en Algérie, au milieu des montagnes, dans un petit village qui a vu naître Mounir. Une complicité depuis la tendre enfance. Du cache-cache au milieu des oliviers au grand amour. Ça sautait aux yeux. Mounir a fait les choses dans les «règles». Il a écrit une