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Immigration : le Conseil d’Etat limite le dispositif des «refus d’entrée» aux frontières intérieures

Le Conseil d’Etat a limité vendredi 2 février ce dispositif, rappelant qu’ils devaient s’inscrire dans le cadre d’accords bilatéraux. Une victoire pour les associations de défense des étrangers.
Illustration de l'entrée du Conseil d'Etat, institution chargée de juger les litiges entre les citoyens et l'administration, le 25 janvier 2024. (Xose Bouzas/Hans Lucas via AFP)
publié le 2 février 2024 à 21h24

Une petite phrase est annulée et c’est l’accueil des étrangers qui s’en trouve changé. En l’occurrence ce vendredi 2 février, le Conseil d’Etat annule une phrase du code régissant le droit des étrangers (Ceseda) qui, en substance, permettait le refoulement aux frontières intérieures de l’UE des étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire.

Le motif ? La disposition en question «ne limite pas» ces refus d’entrée «aux cas dans lesquels ils sont pris en vue de la réadmission» de l’intéressé vers l’État frontalier de transit. Me Patrice Spinosi, avocat de l’ADDE (Association pour la défense des droits des étrangers) qui avait saisi la plus haute juridiction administrative, est ravi. «C’est une victoire en ce sens où le refus d’entrée, qui était dans une zone grise, doit être soumis à la législation européenne et internationale», a-t-il affirmé. Assurant que le refus d’entrée devait désormais se faire dans le cadre d’une procédure de réadmission, il précise que l’association sera «très vigilante» sur l’application.

Le Conseil d’Etat ajoute qu’«il appartient au législateur de définir» les règles applicables à l’étranger «qui a fait l’objet d’un refus d’entrée dans la perspective de sa réadmission». Un accord de réadmission permet de faciliter l’éloignement des étrangers en limitant les formalités, mais avec un cadre légal notamment sur la rétention, les recours et la possibilité de demander l’asile. La France a signé plusieurs accords, notamment en 1997 à Chambéry avec l’Italie, par où transitent de nombreux migrants.

Le refus d’entrée s’inscrit également dans une procédure balisée mais les défenseurs des étrangers dénoncent régulièrement des manquements au droit. Il peut intervenir aux frontières intérieures depuis que la France les a rétablies en 2015 pour lutter contre le terrorisme.

«Huit ans de pratiques d’enfermement illégales»

La Défenseure des droits avait, dans des observations transmises au Conseil d’Etat, estimé que les procédures de réadmission vers l’Italie étaient «très rares». Elle avait alerté sur plusieurs points lors des procédures de refus d’entrée : recours variable à l’interprétariat, placement dans une zone de «mise à l’abri» exiguë et inconfortable, pas d’assistance juridique.

«Cette décision nous satisfait, elle met fin au régime du refus d’entrée», a affirmé Patrick Henriot, secrétaire général du Gisti. L’Anafé, autre association de défense des étrangers, a estimé sur X que la décision «met un terme à huit ans de pratiques d’enfermement illégales» et «rappelle aussi l’obligation de respecter le droit d’asile». La Cour européenne de justice (CJUE) avait déjà estimé en septembre que la France ne pouvait pas, dans tous les cas de figure, refouler à la frontière les étrangers entrés irrégulièrement sur son territoire.

«En vue de l’éloignement de l’intéressé, les normes et procédures communes prévues par la directive retour doivent tout de même être respectées», avait précisé la CJUE, en allusion à la directive européenne prévoyant que le ressortissant non-européen puisse «bénéficier d’un certain délai pour quitter volontairement le territoire».