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La vie des immigrés en France : «A chaque fois, on se dit que c’est pire mais ça n’a jamais été aussi grave»

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Alors que Bruno Retailleau entend faire chuter l’immigration avec une politique de plus en plus violente, étrangers et associations alertent sur les conditions de vie, entre incompréhensions et angoisses intenses.
Dans une école désaffectée dans le XVIe arrondissement de Paris, en juin 2023. (Denis Allard/Libération)
publié le 10 juillet 2025 à 17h02

Elle a un réflexe qui ne trompe pas : celui de tous les étrangers en galère. Dans son salon, Asma, retraitée après des années à nettoyer les bureaux des importants en cravates, dépose une pochette en carton orange sur la table. De la paperasse soigneusement rangée (fiches de paie, carte de résidence, retraites, bilans médicaux). Toute sa vie administrative en France. Une façon de prouver son innocence. Asma a un second réflexe : elle lâche la même phrase que tous les immigrés en galère : «Je ne comprends pas.» La retraitée a des yeux rieurs qui masquent son inquiétude. Elle a fait une demande de renouvellement de titre de séjour en février, mais elle est toujours en attente. Sa carte de résidence est périmée. Asma est coincée : elle ne peut plus quitter le pays.

La retraitée habite dans le Val-de-Marne depuis «très longtemps». Elle a quitté les montagnes de Kabylie, en Algérie, pour rejoindre son mari, ouvrier, à la fin des années 70. Ils ont fondé une grande famille (sept enfants et neuf petits-enfants). Son pays de naissance lui manque, elle passe d’habitude la moitié de sa vie dans sa montagne. Ce n’est plus pareil depuis le décès de son mari, en 2019, mais elle a ses habitudes en Algérie et de la famille, notamment sa petite sœur qui est très malade. «Je ne sais pas quoi faire pour trouver une solution. Mes enfants me disent de ne pas m’inquiéter parce que je ne suis pas la seule dans cette situation, mais ce n’est pas facile.»

«C’est une blessure faite à nos principes»