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La vie sous OQTF : «Tous les jours, je sors en me disant que je peux terminer en centre de rétention»

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Faire sa vie en France ? Evident pour ses nationaux, beaucoup moins pour ceux venus s’installer depuis l’étranger. Itinéraires croisés de vies quotidiennes rythmées par la peur d’être rattrapé par une politique migratoire forcenée.
Des policiers effectuant une palpation et un contrôle d'identité devant la gare du Nord, à Paris. (Myr Muratet /Divergence)
publié le 10 novembre 2024 à 7h44

Des itinéraires forcés. Sylla esquive les gares de Paris. Il a la trouille à chaque fois qu’il croise une patrouille de police. Le longiligne trentenaire est en France depuis dix ans. Une existence discrète. Celui qui charbonne dans la restauration loue une chambre à son oncle en Seine-et-Marne. Il sort peu les jours de repos. Des balades en compagnie de Laura, son amoureuse. Il pose ses deux mains sur son visage. Un geste qui raconte un tas de sentiments. Sylla a peur. Il est épuisé. Il doute aussi. Installé sur un banc autour du lac des Minimes, dans le bois de Vincennes, le commis de cuisine décrit une scène qui a bousillé son quotidien. Un soir de printemps, à Paris, après une longue journée de turbin, Sylla fume une clope devant la gare du Nord. Trois policiers se tiennent devant lui. «Contrôle d’identité.» Le Malien est sans-papiers depuis son entrée dans le pays. Son dossier pour une demande «d’admission exceptionnelle au séjour» est en préfecture.

Le patron de son restaurant a rédigé un courrier pour le soutenir. Des mots pour dire son importance. «Sylla est un bon gars, toujours à l’heure, efficace et il met une bonne ambiance dans la cuisine, dit-il au téléphone. Je ne fais pas du social. Il travaille dans le restaurant parce qu’il est sérieux. C’est pour ça que je suis dégoûté quand il me raconte sa situation. Pourquoi fait-on chier des types comme lui ?» Dans sa lettre, le gérant insiste également sur la difficulté pour embaucher des pe