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Libération
Bonne nouvelle

L’acteur Abou Sangaré, révélé par «l’Histoire de Souleymane», régularisé : «Je n’y croyais plus»

Le Guinéen, récompensé par un prix d’interprétation à Cannes pour son premier rôle obtenu par surprise, vient d’obtenir des papiers par la préfecture de la Somme, après trois refus.
Abou Sangaré le 20 mai au Festival de Cannes pour son rôle dans «l’Histoire de Souleymane». (Kristy Sparow/Getty Images. AFP)
publié le 8 janvier 2025 à 15h34

Dans le film l’Histoire de Souleymane, tout se mélange : la réalité et la fiction. La figure principale du casting, Abou Sangaré, joue le rôle de Souleymane, un sans-papiers guinéen. Comme lui dans la vraie vie. Le film a cartonné. Présenté au Festival de Cannes en mai, l’Histoire de Souleymane a reçu le prix du jury «Un certain regard». Abou Sangaré, 23 ans, lui, a raflé le prix d’interprétation masculine dans la même section.

Un succès monstre pour un gars qui ne s’est jamais intéressé au cinéma. Il s’est pointé au casting sans y croire. Il cherchait un travail. Il ne s’attendait pas à cette mise en lumière. Abou Sangaré, qui a fait le tour des médias, parlait des deux : de son rôle et de sa vie. Il a lui-même été confronté à trois refus de régularisation. Une vie de galère. La quatrième a été la bonne. Le mécanicien des engins poids lourds (il est diplômé) vient de recevoir une carte de séjour. «Le préfet de la Somme lui a délivré un titre de séjour salarié [mercredi] matin, valable un an», s’est félicitée son avocate, Claire Perinaud.

Abou Sangaré habite à Amiens. Il a atterri en Picardie presque par hasard. Un soir, à Paris, un gars dans un café lui a conseillé de fuir la capitale pour éviter les contrôles de police. A la gare du Nord, il a suivi des voyageurs qui montaient dans un train pour Amiens. «J’ai été rejeté à plusieurs reprises par l’administration française, mais du côté de la population, des gens là-bas, c’est le contraire. Je suis émerveillé de tous ces bénévoles dans les associations, les professeurs dans les deux lycées où j’ai pu être inscrit, les patrons d’entreprises, les collègues de travail, tous ont toujours cherché à m’aider, disait-il à Libé en octobre. Vous vous rendez compte que je ne parlais pas français en arrivant à Amiens ? Je n’avais même jamais été scolarisé en Guinée.»

Abou Sangaré au téléphone.

«Vous êtes soulagé ?

— Oui. C’est une bonne nouvelle.

— Vous avez annoncé la bonne nouvelle à votre famille en Guinée ?

— Non, je n’aime pas trop parler de moi et de ma vie. Ils vont sûrement apprendre la nouvelle sur les réseaux.

— Vous allez vous lancer dans une carrière dans le cinéma ?

— Non. Il y aura peut-être des offres mais je suis mécanicien, c’est mon métier. Je suis pressé de pouvoir travailler dans le garage.»

«Mon corps et ma tête»

Il ne sait pas trop quoi dire. Abou Sangaré, qui est arrivé en France en 2017, après avoir traversé le Sahara et la Méditerranée, parle souvent du «destin» pour mettre des mots sur sa trajectoire. Que dire de plus ? Abou Sangaré lâche cette phrase au moment de raccrocher : «Je ne pensais pas être régularisé en France, je n’y croyais plus. Mon corps est ici depuis huit ans mais ma tête était loin, elle était en Guinée parce que je n’avais pas le droit de rester ici. Maintenant, avec cette régularisation, mon corps et ma tête sont ici. Je suis soulagé.»