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Le Conseil constitutionnel censure largement le texte sur la loi immigration

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Les sages ont décidé ce jeudi 25 janvier de censurer largement le texte de loi immigration. 35 des 86 articles du projet de loi ont été totalement ou partiellement censurés selon la décision, le Conseil estimant pour l’essentiel d’entre eux qu’ils n’avaient pas leur place dans le périmètre de ce texte de loi.
Le Conseil constitutionnel le 25 janvier 2024. (Denis Allard/Libération)
publié le 25 janvier 2024 à 16h34
(mis à jour le 25 janvier 2024 à 17h15)

La fumée blanche est sortie de l’aile Montpensier du Palais-Royal. Les sages ont décidé de censurer plus du tiers des articles de la loi immigration ce jeudi 25 janvier. 32 sont jugés sans lien suffisant avec le texte, dont le durcissement de l’accès aux prestations sociales, au regroupement familial, ou l’instauration d’une «caution retour» pour les étudiants étrangers. Trois autres articles sont censurés partiellement ou totalement sur le fond, dont l’instauration de quotas migratoires fixés par le Parlement.

La décision du Conseil constitutionnel, scrutée par les associations de défense des sans-papiers comme par toutes les forces politiques du pays, rebat assez largement les cartes, avant la promulgation du texte par Emmanuel Macron. En effet, 35 des 86 articles du projet de loi ont été totalement ou partiellement censurés selon la décision, le Conseil estimant pour l’essentiel d’entre eux – 32, précisément – qu’ils n’avaient pas leur place dans le périmètre de ce texte de loi. Il s’agit de «cavaliers législatifs», qui pourraient toutefois réapparaître plus tard dans d’autres textes.

Très controversée, la mesure allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales (APL, allocations familiales…) a ainsi été totalement censurée. Idem pour le resserrement des critères du regroupement familial (avec une durée de résidence requise passant de 18 à 24 mois), l’instauration d’une «caution retour» pour les étudiants étrangers ou la fin de l’automaticité du droit du sol pour les enfants d’étrangers nés en France.

Jurisprudence

L’instauration de quotas migratoires annuels déterminés par le Parlement après un débat obligatoire, elle, a été jugée inconstitutionnelle, ce qui fera jurisprudence. Le projet de loi conserve néanmoins la structure initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de simplification des procédures pour expulser les étrangers délinquants, l’un des objectifs du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

Sans surprise, l’article sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, qui avait cristallisé les débats de l’automne, est bien validé par les sages. Les services de Beauvau ont d’ailleurs saisi le calendrier pour publier en parallèle jeudi les chiffres – records – de l’immigration pour 2023, avec une accélération des expulsions comme des régularisations de travailleurs sans-papiers. Des statistiques qui reflètent selon Gérald Darmanin les «priorités politiques» contenues dans ce projet de loi.

La loi immigration a provoqué une profonde crise politique dans le camp présidentiel et bouleversé les associations qui défendent les droits des immigrés. De nombreuses manifestations ont eu lieu à travers le territoire. Le vote favorable des députés du Rassemblement national, salué comme une «victoire idéologique», a laissé un goût amer.

Le camp présidentiel espérait lui-même une censure des articles les plus corrosifs. Une échappatoire après avoir voté la loi en signant un accord avec Les Républicains, assumant un pacte terrible pour mettre fin à la crise parlementaire. Emmanuel Macron avait par ailleurs déclaré en décembre, devant les députés de sa majorité relative, que pour aboutir il fallait accepter «des choses qui parfois ne nous plaisent pas, y compris potentiellement inconstitutionnelles. Je l’assume totalement».

Mise à jour à 17h15 : ajout du détail des articles censurés par le Conseil constitutionnel.