En France, l’immigration s’est diversifiée ces vingt dernières années, tant en ce qui concerne les pays d’origine que les motifs de départ. C’est ce qui ressort de l’étude publiée, jeudi 29 août 2024, par l’institut national des statistiques et des études économiques (Insee), qui s’est appuyé sur les déclarations de personnes immigrées en France, âgées de 18 à 59 ans. L’étude, répartie en trois publications, dresse un portrait hétérogène de l’immigration en France. Alors qu’auparavant trois quarts des personnes migrantes venaient d’Europe du Sud, d’Asie du Sud-Est, de Turquie ou encore du Maghreb, les zones de départ ont aujourd’hui évolué. Plusieurs motifs expliquent cette évolution : économique, lié aux études ou encore géopolitique.
Même continent, pas les mêmes pays
L’Afrique, l’Europe et l’Asie sont les trois principaux continents d’où viennent les 7,3 millions d’immigrés vivant en France en 2023. Au sein même de ces zones géographiques, «on constate une diversification des origines depuis une vingtaine d’années», déclare à Libération Pierre Tanneau, responsable de la cellule Statistiques et études sur l’immigration au sein de l’Insee. Par exemple, «en 1968, parmi la population immigrée venue d’Afrique, neuf personnes sur dix étaient nées au Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie). En 2023, c’est le cas de six immigrés africains sur dix». A l’inverse, la part des ressortissants d’Afrique subsaharienne a triplé depuis les années 70, précise l’étude.
Pour l’Asie, l’institut de statistiques observe une diminution du nombre d’immigrés venus de Turquie, qui chute de 53% en 1968 à 24% en 2023. La dynamique est la même concernant les pays d’Asie du Sud-Est, dont le nombre de ressortissants passe de 22% en 1968 à 15% en 2023. A l’inverse, la part des immigrés venus du Sri Lanka, du Pakistan et de Chine augmente depuis une vingtaine d’années.
En ce qui concerne l’Europe, le constat est à l’augmentation du nombre d’immigrés, qu’ils proviennent de pays membres de l’Union européenne ou non. D’ailleurs, si l’immigration des pays du sud de l’Europe, comme l’Espagne, l’Italie ou le Portugal, était largement majoritaire en 1968, le phénomène semble nettement moins marqué aujourd’hui. «Cette population demeure importante, mais elle est relativement âgée. On constate plutôt une augmentation des ressortissants des pays d’Europe de l’Est», étaye Pierre Tanneau, qui relève un phénomène récent : le renouveau d’une immigration venue des pays du sud de l’Europe dans les années 2010, en raison de la crise économique.
Pourquoi quitte-t-on son pays ?
Si la première raison repose sur le regroupement familial – c’est le premier motif de départ mentionné par les ressortissants d’Afrique (46%), d’Asie (43%) et le deuxième pour les populations d’Europe (34%) –, la quête de meilleures conditions de vie est la deuxième explication pour motiver les départs. «Entre 2007 et 2021, on constate un triplement des titres de séjour délivrés au motif économique», abonde Pierre Tanneau. Ainsi, 37% des immigrés venus de pays européens déclarent être venus pour «trouver un travail», contre 23% pour les immigrés venus d’Afrique et 14% pour ceux venus d’Asie. Au-delà du travail, la poursuite d’études en France est un motif récent qui touche principalement les continents africain (24%) et asiatique (23%). «Beaucoup d’étudiants internationaux en France viennent de pays francophones. D’ailleurs, le Sénégal constitue la première nationalité représentée parmi les étudiants étrangers, originaires de pays francophones», poursuit Pierre Tanneau. Par ailleurs, la moitié de l’immigration chinoise déclare venir en France pour étudier.
L’arrivée en France n’est pourtant pas la promesse d’un gain professionnel, au contraire. L’étude Insee révèle qu’un grand nombre d’immigrés occupent des postes moins qualifiés en France que dans leur pays d’origine. 26% des personnes venues d’Afrique se disent concernées par ce déclassement, contre 23% pour celles originaires d’Asie et de 20% pour celles nées en Europe.
Outre les motivations économiques, le contexte géopolitique influe également sur les mouvements de migration. L’exemple le plus frappant en Europe est celui de l’Ukraine, dont la part des ressortissants a très nettement augmenté après le début de la guerre : «Sur les 80 000 immigrés ukrainiens vivant en France, plus de la moitié sont arrivés en 2022», précise Pierre Tanneau.
La fuite pour des raisons d’insécurité et des troubles politiques constitue le deuxième motif évoqué par les personnes venues d’Asie (25%). Une personne sur deux venant du Moyen-Orient y fait référence, notamment en raison des différents conflits qui ont touché la région (Irak au début des années 2000, Syrie dans les années 2010). Idem pour le continent africain touché par plusieurs conflits et où 11% des personnes ayant immigré en France justifient leur départ pour des raisons d’insécurité. Ainsi, un ressortissant sur quatre venu d’Afrique centrale ou Guinéenne avance ce motif.