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Immigration

Les agents de l’Ofpra interpellent Macron : «Nous souhaitons que la tradition d’asile de notre pays ne soit ni instrumentalisée ni menacée»

Migrants, réfugiés... face à l'exodedossier
Alors que le mandat de l’actuel directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides touche à sa fin, les agents s’inquiètent du profil de son successeur, tant Bruno Retailleau martèle sa volonté de réduire le nombre d’entrées en France.
Dans les bureaux de l'Ofpra à Fontenay-sous-Bois, en 2015. (Albert Facelly/Libération)
publié le 10 avril 2025 à 15h46

«On a peut-être tort de s’inquiéter mais on s’inquiète vraiment.» Jérôme (1) est agent à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Il n’est pas le seul à se faire du souci. Les syndicats de l’instance (CGT, FO, Action syndicale libre) ont écrit une lettre au président de la République, Emmanuel Macron, pour mettre des mots sur la situation. Le directeur général de l’Ofpra, Julien Boucher, quitte son poste le 15 avril après deux mandats. Sa mission n’est pas renouvelée. Qui va prendre sa place ? L’inquiétude se situe là. «La question migratoire et le droit d’asile ont toujours été utilisés par les politiques, juge Jérôme. Mais ces derniers mois, on sent une pression sur nous. Il ne faudrait pas que le nouveau directeur général vienne tout chambouler et remettre en cause le droit d’asile.»

Les agents mettent en lumière les sorties multiples du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui ne cache pas son objectif : réduire toutes les formes d’immigration. Le très droitier, dont une circulaire a durci les conditions d’admission exceptionnelle au séjour, regarde aussi du côté des demandeurs d’asile. En 2024, 157 947 demandes ont été déposées auprès de l’Ofpra, qui a protégé 70 000 personnes, en incluant les mineurs accompagnants. Bruno Retailleau juge le chiffre global d’entrées en France «trop élevé».

Dans le courrier, que Libération a pu consulter, les syndicats écrivent : «Dans un contexte politique international troublé et périlleux, ainsi que dans une situation politique nationale également complexe, nous souhaitons que la tradition d’asile de notre pays, ainsi que le sens des missions d’instruction des demandes de protection internationale et d’apatridie, et de protection juridique et administrative des bénéficiaires de ces protections, ainsi que le travail des agentes et agents de l’Ofpra, ne soient ni instrumentalisés ni menacés.»

Ils rappellent aussi les mots du président de la République à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Emmanuel Macron avait souligné l’importance de «la longue tradition d’asile pour tous ceux dont les droits sont menacés dans leur pays». La nomination du prochain directeur général – nommé par décret du président de la République, sur proposition conjointe du ministre en charge de l’asile et du ministre des Affaires étrangères – pourra prendre plusieurs semaines. Au ministère de l’Intérieur, on ne cache pas qu’il s’agit d’«un poste important».

(1) Le prénom a été modifié.