Abdoulaye tire un sac plastique planqué sous la table d’un bistrot parisien. Il sort un gros dossier rouge gonflé à la paperasse. «Tout est ici», dit-il en souriant. «Tout», c’est sa vie. Abdoulaye est un travailleur sans papiers. Un ouvrier invisible. «Je me promène toujours avec mon dossier, il est très important. J’ai mes demandes de régularisation et mon dossier médical.» Le Malien de 41 ans a du diabète. Il a découvert le mal des mois après son arrivée en France lors d’une consultation dans un centre de santé qui accueille gratuitement les malades qui ne bénéficient pas de l’aide médicale d’Etat (AME). C’était en 2019. Abdoulaye souffre également du dos. Les chantiers bousillent le corps du quadra. Des heures pour un salaire maigrichon. Il cherche un peu de bonheur dans la douleur. Abdoulaye bénéficie de l’AME depuis trois ans. «C’est très dur d’obtenir la carte. Il faut beaucoup de patience et il faut tout justifier. La France est un pays qui aime beaucoup les photocopies», sourit-il. Le futur risque d’être moins drôle. Il croise les doigts en espérant que l’aide médicale d’Etat ne sera pas supprimée.
Le Sénat a voté, en novembre, un amendement de suppression de l’AME lors de l’examen du projet de loi immigration. Elle a été remplacée par une «aide médicale d’urgence», plus restrictive, pour les sans-papiers, avant d’être rétablie à l’Assemblée nationale, en commission. Mais ce n’est pas terminé. Le sujet sera une nouvelle fois mis sur la tab