Insultes à répétition, coups et violences physiques, contrôles agressifs… Les personnes exilées sont victimes d’une violence policière «systémique» passée trop souvent sous silence, accuse ce jeudi 23 novembre le collectif Accès au Droit, dans son rapport d’enquête 2023 sur les conditions des personnes exilées à Paris. Sur les huit dernières années, 448 cas de violences policières commis envers ces personnes exilées, souvent à la rue, ont été recensés à Paris et dans sa proche périphérie.
Les membres de cet observatoire, créé en février 2023, ont récolté des centaines de témoignages directs (de personnes exilées), d’acteurs associatifs ou de témoins de scènes violentes en région parisienne.
Billet
Les violences déclarées, qui peuvent se cumuler, concernant dans 88 % des cas des «évictions et des dispersions dans l’espace public», problématiques lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’une solution de mise à l’abri, détaille le rapport. Dans 33 % des cas, il s’agit de «confiscations ou de destructions de biens» et dans 30 % des cas, ces faits s’accompagnent «d’agressions physiques».
En outre, ces faits rapportés par le rapport sont localisés : 79 % d’entre eux, qui peuvent aller de «l’insulte raciste» au «passage à tabac» en passant des «coups de pied» ou «de matraques», se sont déroulés dans le nord-est de Paris, à savoir les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissement de la capitale, et dans les communes limitrophes de Seine-Saint-Denis.
«Partie émergée de l’iceberg»
«C’est juste la partie émergée de l’iceberg, c’est massivement sous-estimé», explique Paul Alauzy, membre du collectif et coordinateur chez Médecins du monde. Ces violences se déroulent souvent dans des lieux isolés - sous des ponts, dans des bâtiments à l’abandon - et à des heures dites «invisibles» - pendant la nuit ou tôt le matin -. Il est donc très compliqué de les documenter et de les recenser en totalité.
D’autant plus que le «continuum de violences institutionnelles», critiqué par les auteurs du rapport, entrave l’accès aux droits des victimes déjà bien éloignées du système judiciaire et social Les personnes précaires connaissent de véritables difficultés à se tourner vers l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) souvent par manque d’accès au droit et par crainte des forces de polices. A cela s’ajoute le déséquilibre entre la parole policière et celle des personnes exilées.
Enquête
Il y a trois ans jours pour jours, le 23 novembre 2020, les forces de l’ordre avaient brutalement évacué le campement d’exilés place de la République. Nasse, Gaz lacrymogène dans les tentes, coup de matraque sur les personnes vulnérables… Même le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, pourtant peu porté sur la modération policière, avait réagi. «Certaines images de la dispersion du campement illicite de migrants place de la République sont choquantes.» C’est donc à l’occasion du troisième anniversaire de cette «séquence d’indignations unanimes» que le collectif a choisi de publier son rapport, le premier du genre à autant mettre la lumière sur ces actes habituellement invisibilisés.
«Les condamnations des collectifs citoyens, des associations, de chercheurs et chercheuses ou encore d’institutions sont unanimes», fustigent les auteurs du rapport qui cherchent aujourd’hui à créer une dynamique de recueil de témoignages, d’observations des expulsions et des violences policières, surtout à l’approche des jeux olympiques de Paris. Evènement pour lequel le collectif craint une accélération des «pratiques violentes et du nettoyage social de l’espace public.»