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Libération
Reportage

Livreurs sur deux-roues : «Mon vélo, c’est mon complice, je suis obligé de faire très attention à lui»

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Majoritairement originaires d’Afrique ou d’Asie, de nombreux sans-papiers transportent dans les grandes villes de France courses et repas commandés en ligne. A Paris, ils racontent le lien qu’ils ont créé avec leur principal outil de travail, entre galères et stratagèmes pour gagner leur vie.
(James Albon/Libération)
publié le 19 avril 2024 à 18h05

Saber pédale dans les rues de Seine-Saint-Denis. Il enchaîne les livraisons au milieu de la nuit. Son chemin est éclairé par un phare à l’avant et un éclairage à l’arrière de son vélo. Le sol est trempé. Il porte une capuche et des gants. Saber pédale depuis deux ans. «J’ai fait plusieurs choses en arrivant de Tunisie, surtout des travaux chez les gens, et après, comme beaucoup de mes amis, j’ai commencé les livraisons», dit-il du haut de sa selle. Il roule du matin à la nuit sur toutes les routes de la région. «Je suis musclé.» Il rigole en se touchant le mollet gauche. Les débuts étaient moins drôles. Il a eu du mal à tenir sur un vélo. «J’en ai fait un peu en Tunisie quand j’étais petit, c’était celui de mon cousin. Un bleu à quatre roues, se souvient le livreur. On roulait autour du bâtiment de chez mon oncle. Je devais avoir 5 ans. Après, ça ne m’intéressait plus.»

Lorsqu’il remonte en selle en France, des années plus tard, Saber tombe à plusieurs reprises. Il ne trouve pas l’équilibre. Le livreur demande à un pote de lui apprendre à pédaler autour du bassin de la Villette, à Paris. Des chutes et des moqueries des passants. Il doute. «Je voulais arrêter plusieurs fois, c’était la honte de ne pas savoir faire du vélo.» Il résiste. «Je ne faisais pas ça pour le plaisir mais pour le travail.» Le temps est passé. «Je sais bien en faire maintenant, c’est trop bien. Je sais même en faire sans les mains.» Il a récemment acheté so