Les députés ont bouclé samedi 2 décembre au petit matin l’examen de l’inflammable projet de loi sur l’immigration en commission, où le camp présidentiel a voulu «rééquilibrer» le texte en supprimant les ajouts les plus corrosifs du Sénat.
En commission des lois, les macronistes ont tenté de tenir compte des demandes de l’aile gauche de Renaissance, sans trop braquer la droite pour ne pas compromettre les chances d’adoption. Ce qui n’empêche pas les LR de crier au «détricotage», avant l’examen dans l’hémicycle à partir du 11 décembre.
Des ajouts sénatoriaux à la trappe
Principale coup de rabot de la droite sénatoriale, l’aide médicale d’Etat (AME) a été rétablie par les députés, permettant la prise en charge des soins pour les sans-papiers. Le Sénat avait voté son remplacement par une aide médicale d’urgence, plus restrictive.
La commission des Lois a par ailleurs supprimé le délit de séjour irrégulier, tout comme la fin de l’automaticité du droit du sol, souhaitée par les sénateurs. Les députés sont revenus sur une partie des mesures de durcissement du regroupement familial, comme le renforcement des conditions de séjour.
Chronique «Aux petits soins»
Ils ont aussi restauré l’accès à l’hébergement d’urgence pour les étrangers en situation irrégulière, que le Sénat souhaitait cantonner aux «circonstances exceptionnelles». Un article précisant que les déboutés du droit d’asile doivent en sortir est en revanche maintenu. Exit aussi l’extension de la déchéance de nationalité aux personnes binationales ayant commis un homicide sur un policier, un gendarme ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique.
Un durcissement de l’accès à un titre de séjour pour les jeunes majeurs qui ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant 16 ans a aussi été écarté, tout comme la création d’un «fichier national des mineurs non accompagnés délinquants». D’autres articles, visant par exemple à durcir les conditions de résidence pour accéder à certaines prestations sociales ont aussi été supprimés.
De nombreuses réécritures
Les députés ont largement remanié un article qui prévoyait que le Parlement fixe chaque année des quotas d’immigration. Au grand dam de la droite, il a été transformé en une obligation pour le gouvernement de présenter et justifier chaque année au Parlement des «objectifs chiffrés» pour les trois ans à venir. La gauche y voit tout de même un pas vers une politique stricte de quotas.
Concernant la régularisation de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, le Sénat avait largement restreint le dispositif de l’exécutif, en prévoyant un titre accordé par les préfets «à titre exceptionnel», avec de multiples conditions. Le «compromis» proposé par le camp présidentiel encadre la possibilité pour le préfet de s’opposer à sa délivrance, en cas de menace à l’ordre public, non-respect des valeurs de la République ou de polygamie. Cette expérimentation se terminerait fin 2028 et non plus fin 2026.
A lire aussi
Les députés ont aussi étendu l’interdiction de placement en centre de rétention administrative (CRA) à tous les mineurs, et plus seulement les moins de 16 ans.
Ils ont également approuvé des propositions du gouvernement pour faciliter l’expulsion d’étrangers en situation régulière, en cas de crimes ou délits punis de cinq ou dix ans de prison selon les cas, rehaussant des seuils abaissés au Sénat.
Des mesures réintroduites…
Comme le prévoyait le texte du gouvernement, les demandeurs dont la nationalité augure de fortes chances d’obtenir l’asile (Afghans, Syriens, Erythréens) pourront accéder au marché du travail sans attendre le délai de 6 mois en vigueur.
Une carte de séjour d’un an au lieu de six mois sera conférée aux personnes, essentiellement des femmes, qui cessent une activité de prostitution et s’engagent dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle.
… ou conservées
Les conditions d’accès au titre «étranger-malade» sont réduites, notamment si un traitement est théoriquement disponible dans le pays d’origine. Le rapporteur a tout de même rajouté une «circonstance humanitaire exceptionnelle» pouvant être reconnue.
Sur le regroupement familial, plusieurs durcissements du Sénat ont été maintenus, à l’instar de l’exigence d’une assurance maladie et de la nécessité de bénéficier de ressources régulières. Le principe d’une vérification plus étroite du caractère «réel et sérieux» des études d’étrangers admis en France est conservé.
Opinion
Les députés ont aussi gardé un dispositif excluant les étrangers en situation irrégulière du bénéfice d’une réduction tarifaire dans les transports, même si le rapporteur a proposé de pondérer la restriction en séance.
Ils ont aussi conservé une mesure proposée par les sénateurs communistes pour conférer une carte de séjour temporaire à un étranger qui dénoncerait un marchand de sommeil. Un amendement de Sacha Houlié (Renaissance) est venu l’étendre aux victimes de proxénétisme et de traite humaine.