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Loi immigration : ce qui reste dans le texte après la censure partielle du Conseil constitutionnel

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Quelques heures après la décision des «sages», Gérald Darmanin a annoncé jeudi 25 janvier au soir que la version finale du texte devrait être promulguée «dans les heures qui viennent». «Libé» fait le point sur ce qu’il reste dedans.
Les neuf membres du Conseil constitutionnel ont rendu leur décision jeudi 25 janvier. (Denis Allard/Libération)
publié le 26 janvier 2024 à 7h48

Une nouvelle fois soulevée jeudi, cette fois par les «sages», la poussière redescend peu à peu sur le champ de bataille de la loi immigration. Après la censure par le Conseil constitutionnel de larges pans du texte décrié, Emmanuel Macron a aussitôt «pris acte» de cette décision et demandé à Gérald Darmanin de «tout mettre en œuvre pour que la loi soit appliquée dans les meilleurs délais». Le texte sera promulgué «dans les heures qui viennent», a déclaré le ministre de l’Intérieur, qui a convoqué les préfets ce vendredi 26 janvier dans la matinée pour leur donner ses premières instructions en matière de contrôles, d’expulsions et de régularisations.

Mais après ses passages entre les mains des neuf membres du Conseil constitutionnel, que reste-t-il de la loi immigration ? Sur les 86 articles de la version finale du texte, après son passage en Parlement, les «sages» en ont examiné 49 et censuré 35, soit plus du tiers, retoquant notamment les principaux ajouts que la majorité présidentielle avaient concédés à la droite. Libération fait le point.

Ce qui reste dans la loi

Parmi les articles déclarés conformes à la Constitution, a notamment été validée la nécessité de s’engager à respecter «les principes de la République», comme la liberté d’expression et de conscience ou l’égalité entre les femmes et les hommes, pour pouvoir obtenir un titre de séjour.

Le Conseil valide aussi des dispositions au cœur du projet de loi initial du gouvernement, pour faciliter les expulsions et les décisions d’obligation de quitter le territoire français (OQTF). Elles font notamment sauter les protections dont bénéficient certaines catégories d’étrangers, comme ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans.

Mis à part les mesures retoquées et celles jugées conformes, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le reste de la loi. Une cinquantaine d’articles pourront donc faire partie du texte qui sera promulgué. Mais rien n’empêchera que pour une quarantaine d’entre eux, une éventuelle inconstitutionnalité soit contrôlée a posteriori, dans le cadre par exemple de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).

La mesure portant sur la régularisation de travailleurs sans papiers dans les métiers dits «en tension», telle que modifiée lors des débats parlementaires, pourra ainsi faire partie du texte. La majorité présidentielle s’était résignée à une version plus restrictive que celle du projet de loi initial, en donnant aux préfets un pouvoir discrétionnaire de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers dits «en tension».

Les «cavaliers»

Trente-deux dispositions sont retoquées car considérées comme des «cavaliers législatifs», sans lien suffisant avec le texte initial. Un motif de forme qui ne préjuge pas de leur conformité sur le fond avec la Constitution. Rien n’exclut donc qu’elles soient proposées dans de nouveaux textes. Ni qu’elles soient, cette fois, rejetées sur le fond.

C’est le cas notamment de l’accès durci aux prestations sociales pour les étrangers, une mesure qui avait cristallisé les débats au Parlement dans leur dernière ligne droite. La durée de résidence exigée pour que des étrangers hors-UE en situation régulière puissent bénéficier de prestations comme les allocations familiales avait été fixée à cinq ans pour ceux ne travaillant pas, et trente mois pour les autres. Pour l’Aide personnalisée au logement (APL), ces deux seuils avaient été fixés à cinq ans et trois mois.

Plusieurs restrictions des conditions du regroupement familial sont aussi concernées, comme l’allongement de 18 à 24 mois de la durée de résidence requise pour y prétendre, l’exclusion des conjoints de moins de 21 ans ainsi que la nécessité de justifier d’«un certain niveau de connaissance de la langue française».

Les restrictions prévues pour la délivrance d’un titre «étranger malade» ou encore la caution demandée aux étudiants étrangers en France pour prévoir leur retour, sont aussi retoquées. Exit aussi l’article privant les étrangers en situation irrégulière du bénéfice des réductions tarifaires en Ile‑de‑France ou le «délit de séjour irrégulier» puni d’une amende.

Tous les articles portant sur le droit à la nationalité sont aussi visés. Notamment celui qui mettait fin à l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers. Il était prévu que l’étranger doive en faire la demande entre ses 16 et 18 ans.

Un article décrié, qui semblait limiter l’accès à l’hébergement d’urgence pour les personnes sous obligation de quitter le territoire, est aussi déclaré «cavalier». Un autre prévoyant un visa de long séjour «de plein droit» pour les Britanniques ayant une résidence secondaire en France est censuré.

Les articles censurés sur le fond

Trois articles sont jugés contraires à la Constitution sur le fond, en partie ou totalement. La mesure chère à la droite prévoyant que des «quotas» migratoires soient fixés par le Parlement pour plafonner le nombre d’étrangers admis sur le territoire, est ainsi rejetée, au titre du principe de séparation des pouvoirs.

Un article autorisant le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger sans son consentement, prévu dans le texte initial du gouvernement, est lui considéré comme bafouant les garanties légales prévues dans la Constitution.