«Consternation». C’est le mot employé par Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, un poids lourd du secteur social qui regroupe 900 associations dont Emmaüs, l’Armée du Salut ou encore la Cimade, face à l’adoption par l’Assemblée nationale mardi 19 décembre de la loi immigration, qui va profondément affecter la vie des personnes étrangères sur le sol français. Face à des mesures «contraires aux principes fondamentaux de solidarité et de fraternité», l’instance veut contribuer à son examen par le Conseil constitutionnel.
A lire aussi
Dans quel état d’esprit êtes-vous ce matin, quand on entend Elisabeth Borne dire : «J’ai le sentiment du devoir accompli» ?
Dès mardi soir, de nombreux témoignages ont afflué. Ils viennent de femmes et d’hommes dans les associations, bénévoles, travailleurs sociaux, qui sont bouleversés par ce vote. Il s’agit d’une loi de désordre, une loi qui ne comporte strictement aucune mesure de nature à maîtriser, organiser l’accueil et l’intégration dans le pays, qui sont des nécessités.
Au contraire, elle comporte un déchaînement de mesures qui vont compliquer, pourrir la vie des personnes étrangères en précarité, des travailleurs sociaux dans les associations, des agents des services publics, des bénévoles, des entreprises qui peinent déjà à recruter. Elle va empêcher les gens de travailler, de se loger, de se soigner.
Donc c’est à la fois la consternation, le sentiment d’un risque de bascule et la volonté de se mobiliser. De manière extrêmement lucide parce que la question de l’immigration travaille ce pays, mais de manière très déterminée pour faire prévaloir des réalités de vie et des principes qui devraient continuer à régir la société française.
La Fédération des acteurs de la solidarité évoque dans un communiqué une «phase de résistance constructive» qui «s’ouvre»…
Oui, c’est la phase dans laquelle nous entrons maintenant, après ce vote qui est inédit dans son contenu. Cette résistance constructive, nous allons maintenant la mener avec les associations, avec les partenaires de la société civile. C’est d’abord, comme nous le faisons depuis cette nuit, mettre des mots sur ce qui vient d’être fait, sur le caractère inédit, sur les dangers que cela comporte.
C’est aussi, et nous sommes en plein travail, contribuer à la saisine du Conseil constitutionnel dont nous espérons qu’il pourra rappeler les droits fondamentaux de notre République et censurer certaines dispositions, notamment celles sur la préférence nationale, déterminant des allocations familiales en fonction de la nationalité des personnes, mettant en cause l’inconditionnalité d’hébergement d’urgence. Du point de vue des principes juridiques fondamentaux dans notre République, principe de fraternité rappelés par le Conseil constitutionnel, de respect de la dignité humaine, de non-discrimination, il y a vraiment matière à ce que le Conseil constitutionnel remette les choses à l’endroit.
A lire aussi
C’est aussi un travail de mobilisation avec l’ensemble des acteurs de la société civile et dès ce soir à 19h30 à la Bourse du Travail de Paris. Nous serons réunis pour organiser cette mobilisation, trouver les meilleurs moyens de résistance constructive dans la période qui s’ouvre.
Depuis quarante ans, il y a eu tant et tant de lois immigration. On sent cette fois un virage inédit…
En effet, ce n’est pas, à nos yeux, une énième loi de complexification. Une loi inutile. C’est un risque de bascule, que d’ailleurs la majorité du Sénat a voulu. Ce qui est consternant, c’est qu’une majorité de l’Assemblée nationale avec le gouvernement et le président de la République l’ait endossé.
C’est un message qui tendrait à considérer que l’intégration républicaine en France désormais se serait terminée. Or, ça, c’est mortel. Mortel pour la vitalité de la société, pour la vitalité des entreprises, pour les valeurs fondamentales de notre République. C’est de ce point de vue-là qu’on est sur un effet de bascule. Et c’est évidemment ce que nous allons continuer tranquillement, fermement à combattre.