Hafid habite tout en haut de la ville. En voiture, il faut grimper une longue côte en forme de vis pour accéder aux Planteurs, un quartier populaire de la plus grande ville de l’Ouest algérien, Oran. Les anciens du coin racontent une histoire : à l’époque de la colonisation, les Français organisaient des courses automobiles tous les samedis. Ils grimpaient la côte à fond la caisse. Hafid, 19 ans, regarde ailleurs. Il préfère le futur au passé. Au cœur du mois d’août, dans une petite maison – «où il fait trop chaud les étés et trop froid les hivers» – le longiligne emprunte un escalier. Il ouvre une porte en ferraille qui donne accès au toit de la maison. Le paysage est dément. Oran en grand. Le port, le front de mer, le centre-ville et le reste. Hafid passe de nombreuses nuits sur le toit. «Je monte avec mes cigarettes, un peu de café, quand tout le monde dort à la maison, et je regarde, dit-il debout face à la mer, en mâchouillant un bouchon de stylo en plastique. En regardant les lumières sur les bateaux qui entrent ou qui stationnent avant de rentrer au port, je pense à mon départ. Je dois partir. Je n’ai aucun avenir ici, sans travail et sans argent.»
Un peu plus tard dans la journée. Hafid mâchouille toujours son capuchon, mais le paysage est moins beau.