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Mineurs non accompagnés

Un comité de l’ONU accuse la France de «violations graves» des droits des enfants migrants

Les experts affirment dans un rapport publié ce jeudi 16 octobre que faute de pouvoir prouver leur minorité, beaucoup de jeunes sont exclus du système de protection de l’enfance et vivent dans des conditions «dégradantes».

Mobilisation contre les Obligations de quitter le territoire français (OQTF) à l'appel du Collectif du parc de Belleville, à Paris, le 27 mai 2025. (Stephane Lagoutte/MYOP. Libération)
Publié le 16/10/2025 à 16h56

Des mineurs à la rue, sans accès aux soins ni à la scolarité : la France est responsable de violations «graves et systématiques» des droits des enfants migrants non accompagnés sur son territoire, où ils sont trop souvent laissés à l’abandon faute de pouvoir prouver leur âge en dessous de la majorité, dénonce ce jeudi 16 octobre un comité d’experts de l’ONU.

Dans son rapport, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies (CRC) affirme qu’en France, beaucoup de migrants ne pouvant accéder au système de protection de l’enfance se retrouvent sans abri, privés de soins de base et vivent dans des conditions «dégradantes».

Certes, le CRC, dont les 18 experts sont chargés de s’assurer que les Etats respectent la mise en œuvre des traités internationaux relatifs aux droits des mineurs, salue le fait que, dans la loi, la France «considère les mineurs non accompagnés avant tout comme des enfants ayant besoin de soins et de protection». Mais il constate qu’un «grand nombre» de ceux qui se déclarent enfants sont traités comme des adultes à la suite de procédures d’évaluation de l’âge jugées «défaillantes».

«Présomption de minorité» bafouée

L’organisation onusienne pointe ces méthodes «souvent fondées sur l’apparence physique ou sur des examens médicaux peu fiables, réalisés sans l’assistance d’un adulte de confiance, d’un tuteur légal ou d’un avocat». Une privation de protection qui se prolonge même en cas de recours, souligne le comité, qui appelle au respect de la «présomption de minorité», en vigueur en France. L’enfant devrait être protégé «jusqu’à preuve du contraire» et le long de procédures qui peuvent «durer jusqu’à huit mois, voire plus», estiment les experts.

Sauf qu’en réalité, ceux dont l’âge est contesté ou dont les recours sont en évaluation sont «contraints de survivre dans la rue, dans des parcs ou dans des camps de fortune improvisés, sans nourriture ni eau potable en quantité suffisante, et sans soins de santé ni éducation», dénonce le CRC.

«Ces enfants courent un risque élevé d’être exposés à la traite, aux abus, à la maltraitance et aux violences policières», ajoute le comité, qui précise également qu’«entre 50 % et 80 d’entre eux sont reconnus mineurs «après que leur âge a été réévalué».

«D’autres situations graves» sont également documentées dans le rapport du CRC, touchant les enfants migrants non accompagnés qui transitent par la France pour rejoindre le Royaume-Uni. Ils «vivent dans des conditions extrêmement précaires, notamment dans des camps», recense le CRC.

Certains ont même «été placés en détention dans des zones d’attente des aéroports ou dans d’autres centres de rétention à la frontière» lorsque leur entrée ou leur identité a été remise en question, assurent les experts, qui qualifient ces arrestations de «disproportionnées et donc arbitraires».

Problème «généralisé et persistant»

Tout en notant qu’il n’existe pas de chiffres officiels complets sur le nombre d’enfants migrants non accompagnés concernés, le comité souligne que le problème est «généralisé et persistant».

Aussi, les experts fournissent à la France une série de recommandations, comprenant «le bénéfice du doute quant au statut de mineur», ainsi que la garantie d’un logement et de nourriture «pour tous ceux qui se déclarent enfants migrants non accompagnés afin qu’aucun enfant, y compris ceux qui attendent une décision en appel, ne soit contraint de vivre dans un camp informel ou dans la rue».

Dans une réponse au comité, le gouvernement français a indiqué que depuis cette enquête, la France a «poursuivi ses efforts de mise en œuvre» de la loi Taquet de 2022 relative à la protection des enfants.

Paris a également affirmé avoir mis en place, dans le cadre d’un plan stratégique 2023-2027 de protection judiciaire de la jeunesse, «un accompagnement renforcé et coordonné pour les publics priorisés et particulièrement vulnérables», à l’instar des enfants migrants non accompagnés. La maire sortante, Anne Hidalgo, a fait valoir sa candidature à la présidence du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU pour 2026.