D’un geste, Christine, jeune retraitée de l’administration de 62 ans, étend une serviette de bain cyan, en guise de nappe, sur une petite table de bois graisseuse. Elle y pose çà et là les quatre sandwichs et les Badoit, achetés dans une boulangerie le matin, avant de prendre la route. Autour d’elle, la grande et vaste aire d’autoroute de Nemours (Seine-et-Marne), sur l’A6, située à une centaine de kilomètres de Paris. Burger King, Brioche dorée et Spizzico, couleurs criantes en façade, s’élèvent les uns à côté des autres, sur ce désert d’asphalte. Mais Christine, dont le regard se relève et courre sur l’horizon, ose à peine les regarder. Elle continue de vider son sac et sa glacière, aidée par ses deux petites-filles.
«Jamais de ma vie, j’irais acheter les pique-niques infâmes et trop chers des aires d’autoroute, grogne-t-elle. Regardez, on en a eu seulement pour 22 euros pour quatre personnes, en achetant dans une petite boulangerie un bon casse-croûte en partant.» Elle expose ses victuailles comme des trophées. Quatre boissons, deux desserts et des sandwiches «aussi longs qu’un bras». Depuis plusieurs mois et la hausse générale des prix – de 6,1% en France sur un an, selon l’estimation de l’Insee de juillet – Christine et son mari, Guy, 67 ans, retraité de l’enseignement, scrutent tous les pri