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Libération
Reportage

Inondations dans le Pas-de-Calais : «Tout a navigué chez moi, le frigo, la machine à laver…»

Entre amertume et entraide, les sinistrés s’activaient ce lundi 13 novembre pour nettoyer leurs domiciles dans les faubourgs de Saint-Omer, après plusieurs inondations successives. Tout en gardant un œil inquiet sur les nuages qui ne cessent de déverser leur eau sur des terres déjà détrempées.
Une pompe tentait de drainer les flots à Arques, le jeudi 9 novembre. (Sameer Al-Doumy/AFP)
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille
publié le 13 novembre 2023 à 13h46

C’est le temps de la boue à Arques, commune de la banlieue de Saint-Omer, pendant qu’une pluie insistante continue de tomber ce lundi 13 novembre. «Je n’ai plus de courage, là, ça fait vraiment beaucoup», lâche Stéphane, dans son salon aux meubles de chêne surélevés par des parpaings. Dans sa maison si coquette, il a tout fait lui-même. Alors c’est un crève-cœur : la cuisine installée il y a seulement deux ans, bonne à jeter ; le mur de parement en petites briquettes grises, à refaire.

La première crue date d’il y a une semaine, dans la nuit de lundi 6 à mardi 7 novembre, avec une bonne vingtaine de centimètres d’eau dans la maison. Ça passait encore. Il a fallu tout nettoyer, pour que samedi finalement, les pompiers évacuent toute la rue Henri-Puype. Lui est hébergé chez sa fille, alors que la situation restait «préoccupante» ce lundi avant de nouvelles pluies, selon la préfecture du Pas-de-Calais.

Stéphane montre la marque laissée par l’eau sur le pilier de sa clôture : «Ça a tellement frotté que ça a enlevé la peinture. Je n’ai même pas besoin de mettre un repère», grince-t-il. A 1,20 m du sol, le trait, bien net, raconte la force du courant. «Tout a navigué chez moi, le frigo, la machine à laver…» soupire-t-il. Demain, il sera moins seul, des amis viennent l’aider à nettoyer, ils ont pris «des congés spéciaux» pour venir l’aider. Sa femme, elle, travaille au centre technique de la ville, standardiste, et passe ses journées à répondre à tous les appels téléphoniques. «Elle est elle-même sinistrée et elle aide les gens», loue Stéphane.

«Il faut avancer l’argent»

Il voudrait que les célébrités de la région, les Line Renaud et autres Dany Boon, lancent un appel pour un fonds de solidarité. «Je ne vais quand même pas appeler moi-même Hanouna !» s’exclame-t-il. Cet après-midi, une entreprise spécialisée va venir pour vider ce qui reste dans sa cuve à fuel, il pense en être de 700 à 800 euros de sa poche. «On va essayer de se faire rembourser par les assurances, mais il faut avancer l’argent. Je ne vais pas aller me plaindre, ma femme et moi, on travaille. Mais dans la rue, il y a des gens avec moins de revenus.»

Car il y a des dépenses supplémentaires à assumer, des «faux frais» comme il dit : les vêtements de rechange qu’on n’a pas pensé à prendre et qu’il faut racheter. La nourriture aussi.

«Les gens étaient dans un état de sidération, témoigne Anne Josnin, bénévole pour la Confédération syndicale des familles. On a passé notre week-end à Blendecques et à Arques, et les gens étaient sur leur pas de leur porte, à attendre d’être évacués. On leur disait “vous avez préparé un sac avec vos affaires ?” La réponse était toujours non. Les instructions, s’il y en a eu, n’étaient pas arrivées jusqu’à eux. Il y a aussi une dignité, les gens n’osent pas demander de l’aide.» Maintenant, raconte-t-elle, ils restent à proximité de leurs maisons, par crainte de se faire voler.

Elisabeth et Dominique, 58 et 63 ans, offrent le café. Ils sont venus tout nettoyer chez leur fille Stéphanie, handicapée, dans le logement qu’ils lui ont acheté il y a huit ans. «Elle n’est pas encore revenue, elle est choquée», explique Elisabeth. Ils n’ont pu entrer dans la maison que dimanche à 15 heures, pour constater les dégâts. Les radiateurs électriques foutus, les placos à refaire entièrement. «Si on avait su, on n’aurait pas acheté ici», lâche Dominique. Mais pas moyen d’aller ailleurs. «C’est invendable maintenant.»