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Enquête

Derrière les mastodontes de l’IA, ces petites mains victimes de «colonisation numérique» dans les pays du Sud

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Modération de contenus, correction des réponses, clarification des connaissances… Si les tâches des «entraîneurs de l’IA» occidentaux sont souvent créatives et valorisées, les travailleurs de l’hémisphère Sud sont très mal rémunérés et confrontés à des images et textes ultraviolents. «Libé» a recueilli leurs témoignages.
Mophat Okinyi a développé des troubles mentaux, allant jusqu’à du stress post-traumatique, en travaillant pour Sama, un sous-traitant de ChatGPT. A Nairobi, au Kenya, le 6 février. (Gordwin Odhiambo/Libération)
publié le 20 mars 2024 à 15h35

Ils sont la face cachée de l’intelligence artificielle (IA) : une masse invisible de milliers de personnes qui œuvrent chaque jour autour de la planète à entraîner les technologies afin qu’elles soient plus performantes et plus précises. Derrière les bouleversements annoncés par les développements fulgurants du robot conversationnel ChatGPT, le générateur d’images Dall-E, mais aussi des services exploitant l’IA au sein de Google, Amazon, Tesla et d’autres mastodontes de la tech, on trouve des «annotateurs de données» et des «entraîneurs de l’IA» dont la tâche est fastidieuse. Ils doivent en permanence corriger les réponses formulées, affiner la connaissance des modèles sur des domaines bien précis, modérer les contenus violents générés ou encore entraîner les algorithmes des voitures autonomes à reconnaître leur environnement. Au cœur de ces innovations, il y a la reproduction d’un modèle d’organisation du travail vieux de plusieurs siècles : la connaissance et la richesse sont concentrées dans les pays du Nord, quand les tâches les plus ingrates et fastidieuses sont sous-traitées à des travailleurs précaires au Sud, comme le montrent d