Interdire l’aide alimentaire dans le centre-ville de Calais, bientôt la fin ? Au tribunal administratif de Lille, ce mardi, le rapporteur public a donné de l’espoir aux associations humanitaires, qui aident les exilés à Calais. Il a préconisé l’annulation de trois arrêtés préfectoraux, qui interdisaient les distributions de repas dans le centre-ville de la commune, entre septembre et décembre 2020, pour les associations non mandatées par l’Etat. Trois parmi beaucoup d’autres : la décision préfectorale a été prorogée jusqu’en mai, avec une interruption cet été. Mais le 13 août, le nouveau préfet du Pas-de-Calais a rétabli ce qui était devenu un usage. Dans le dernier arrêté en date, valide du 5 au 19 septembre, il était précisé : «Cette interdiction a pour objectif de limiter les situations de rassemblement, notamment lors de distributions spontanées de repas, qui seraient fortement préjudiciables pour la sécurité de tous et pour la tranquillité de la zone.»
Argument balayé par le rapporteur public, Paul Groutsch. «Les troubles établis à l’ordre public sont épars, ponctuels, sans caractère de gravité et non lié à la distribution», pose-t-il. Il cite des mains courantes, deux migrants alcoolisés devant un centre social ou dans un bar. Les questions de sécurité sanitaire ? Il note «le degré élevé de préoccupation des associations» sur ce sujet, avec le don de masques, même si les gestes barrières sont difficiles à faire respecter. Paul Groutsch a rappelé le principe : quand on limite une liberté, il faut que cette limitation soit justifiée, adaptée et proportionnée. Pas le cas ici, selon lui.
«Principe de fraternité»
Le rapporteur public n’a finalement retenu qu’une seule des atteintes mentionnées par la préfecture : la mise à mal de la salubrité publique, avec les nombreux déchets laissés sur place après les repas. Des centaines de kilos à ramasser chaque jour, précise-t-il, selon la mairie de Calais. Mais, note-t-il, il est facile d’y remédier avec la «simple mise en place de bennes à proximité».
Dernière étape de ce laminage en règle, le rapporteur public a estimé que l’Etat, contrairement à ce qu’il affirme, ne couvre pas les besoins des exilés. Les seules distributions de repas autorisées, celles de la Vie active, l’opérateur mandaté par la préfecture, n’y suffisent pas, dit-il : sur la base des rapports du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, il a calculé un ratio d’un repas par jour et par personne. Donc, l’interdiction de distribution alimentaire dans le centre-ville a «pour effet de compliquer l’accès pour ces populations précaires à des biens de première nécessité.» Le représentant de la préfecture s’est un peu étranglé, et s’est contenté de redire que «l’Etat prenait en charge l’intégralité des besoins des migrants». L’avocate des associations n’a rien vu à ajouter à cet argumentaire, elle a juste rappelé le «principe de fraternité», inscrit dans la Constitution. Décision dans deux à trois semaines.