La plus haute juridiction administrative française désavoue la décision de Gérald Darmanin. Saisi au sujet de l’interdiction de toutes les manifestations propalestiniennes décrétée par le ministre de l’Intérieur, le Conseil d’Etat a tranché ce mercredi 18 octobre : il revient aux préfets «d’apprécier» au cas par cas si elles doivent être interdites, ou pas.
Evoquant «la rédaction approximative» des consignes passées par Gérald Darmanin, le Conseil d’Etat affirme «qu’il appartient aux seuls préfets», «au cas par cas et sous le contrôle du juge administratif», «d’apprécier s’il y a lieu d’interdire une manifestation en fonction des risques de troubles à l’ordre public. Aucune interdiction ne peut être fondée uniquement sur [les consignes du ministre de l’Intérieur] ou sur le seul fait que la manifestation vise à soutenir la population palestinienne», juge-t-il, d’après un communiqué
En raison de la guerre entre le Hamas et Israël, le ministre de l’Intérieur avait ordonné jeudi à tous les préfets d’interdire l’ensemble des «manifestations propalestiniennes», affirmant «qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public». Et d’ajouter que «l’organisation de ces manifestations interdites [devait] donner lieu à des interpellations».
Billet
C’est l’association Comité Action Palestine qui avait sollicité samedi le Conseil d'Etat en déposant un recours pour demander la suspension de la décision du ministre de l’Intérieur. «Une interdiction générale et absolue méconnaît totalement plusieurs libertés publiques, dont le droit de manifester, a défendu Me Vincent Brengarth, un des deux avocats de l’association. Elle s’inscrit dans un contexte de politisation de l’ordre public, là où l’Etat devrait garantir toutes les expressions de solidarité.»
«C’est justement dans un contexte extrêmement tendu et complexe que la liberté de manifester et la libre expression des opinions sont fondamentales, et ce afin de permettre un débat démocratique et apaisé au sein de la société française», ont également argumenté les requérants.
Le Conseil d’Etat stipule toutefois que «dans le contexte actuel, marqué par de fortes tensions internationales et la recrudescence d’actes antisémites en France, les manifestations de soutien au Hamas, organisation visée par la lutte contre le terrorisme au niveau européen, ou qui valorisent ou justifient des attaques terroristes telles que celles qui ont été perpétrées le 7 octobre dernier [en Israël], sont de nature à entraîner des troubles à l’ordre public». En conséquence, le juge des référés a rejeté le recours du Comité Action Palestine déposé contre la consigne du ministre de l’Intérieur aux préfets.
«Consigne stricte»
Malgré l’interdiction, une manifestation propalestinienne rassemblant plusieurs milliers de personnes a eu lieu jeudi soir à Paris, sur la place de la République. Des mobilisations ont aussi eu lieu dans d’autres villes de France, comme à Rennes, Lille et Toulouse.
Avec cette «consigne stricte» d’interdiction, selon Gérald Darmanin lui-même, la France se démarquait d’autres pays occidentaux : des milliers de personnes ont défilé légalement ces derniers jours en Espagne, en Angleterre, aux Pays-Bas ou aux Etats-Unis.
Mise à jour : à 16 h 46, avec l’ajout de précisions du Conseil d’Etat.