«Une entrave à la liberté d’informer», a alerté la rédaction de l’Humanité lundi 24 mars. Son journaliste, Emilio Meslet, jusqu’alors accrédité à la Conférence internationale contre l’antisémitisme à Jérusalem qu’organise le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, ne sera finalement pas autorisé à couvrir l’événement en Israël le jeudi 26 et vendredi 27 mars, a-t-il appris «au dernier moment», déplore le quotidien communiste, dans un édito publié sur son site.
A quelques jours seulement de son vol pour Jérusalem, le grand reporter pour le service politique de l’Huma a été notifié du changement de programme par le ministère israélien des affaires de la Diaspora et de la Lutte contre l’antisémitisme. «Votre accréditation a été annulée. Vous n’êtes plus autorisé à participer à la conférence de lutte contre l’antisémitisme», a simplement reçu Emilio Meslet, sans plus de justification sur cette volte-face. «À notre connaissance, cette procédure d’exclusion orchestrée par les autorités israéliennes ne concerne que l’Humanité», souligne le journal.
«Benyamin Nétanyahou a franchi le Rubicon»
Si le gouvernement israélien a fermé la porte à un journaliste français, il l’a, à l’inverse, ouverte pour la première fois à des personnalités politiques françaises d’extrême droite. Invités, Jordan Bardella, président du Rassemblement National, Marion Maréchal, députée européenne pour le parti Identité Libertés, se rendront sur place. Le premier est le numéro un du parti hérité de Jean-Marie Le Pen, condamné pour avoir qualifié les chambres à gaz de «détail» de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. La seconde, sa petite fille.
Dans son éditorial, l’Humanité fustige le gouvernement du Premier ministre, allié à l’extrême droite israélienne : «Soucieux de renforcer ses liens avec les nationalistes et les réactionnaires de tous horizons, Benyamin Nétanyahou a franchi le Rubicon. Désormais, les héritiers de la collaboration, issus des rangs d’un parti fondé par des anciens nazis, ont droit aux honneurs de Tel-Aviv dans une inversion terrifiante des valeurs.» Le quotidien fondé par Jean Jaurès rappelle aussi être un «journal de la lutte antifasciste, engagé depuis toujours contre l’antisémitisme et dont quinze journalistes et autres travailleurs sont morts dans la Résistance ou fusillés par les nazis entre 1941 et 1945.»
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Sur Bluesky, le Syndicat national des journalistes (SNJ), première organisation française du secteur, a apporté son soutien au titre de presse et à l’ensemble de ses journalistes, tout en condamnant cette décision : «Le gouvernement israélien n’a pas à entraver le droit à l’information.»
Benyamin Nétanyahou et son cabinet sont loin d’en être à leur première atteinte à la liberté de la presse. Le journal d’opposition de centre-gauche, Haaretz, a par exemple été directement menacé par le ministre des Communications en 2023, avant que le gouvernement décide officiellement de boycotter ce média en 2024. L’ONG Reporters sans frontières accuse aussi l’armée de l’Etat hébreu d’être «responsable de la mort» de 18 journalistes l’an dernier, 16 à Gaza et deux au Liban, tout en empêchant l’accès des reporters au territoire palestinien pour couvrir la guerre en cours depuis près d’un an et demi.