C’était l’une des inquiétudes des autorités françaises : que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, scrutés partout sur la planète, soient une aubaine particulière pour les campagnes de manipulation de l’information. Sans surprise, divers acteurs ont bien tenté de mettre à profit la caisse de résonance de l’événement, mais le plus souvent sans impact significatif au-delà de leurs sphères, restreintes, de diffusion. C’est ce qui ressort du rapport consacré à la «menace informationnelle» à l’encontre des Jeux rendu public ce vendredi par Viginum, le service de l’Etat chargé de traquer les «ingérences numériques étrangères» : «la plupart des manœuvres identifiées» ne sont pas parvenues à «réellement pénétrer le débat public numérique francophone», souligne le document.
«43 manœuvres informationnelles»
Entre avril 2023, date à laquelle Viginum a commencé à surveiller les campagnes sur les réseaux sociaux visant les événements sportifs en France, et la fin des épreuves paralympiques le 8 septembre 2024, l’agence a détecté «43 manœuvres informationnelles» venues de l’étranger et ciblant les Jeux, dont une vingtaine pendant l’événement lui-même. La très grande majorité de ces «manœuvres» relèvent d’une logique «opportuniste», note le rapport : elles se greffent sur des actualités ou des polémiques en cours. Ainsi de la diffusion en juillet, par des comptes «identitaires et ultraconservateurs» anglophones et hispanophones, d’une vidéo sortie de son contexte, montrant un rassemblement chrétien : celui-ci était présenté faussement comme une protestation après la cérémonie d’ouverture.
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Au-delà de ces tentatives, deux campagnes véritablement «planifiées et coordonnées» ont été détectées par Viginum, toutes deux déjà documentées par le service. La première, baptisée «Olimpiya», date de l’été 2023 et était le fait d’acteurs pro-Azerbaïdjan sur les réseaux sociaux. La seconde, «Matriochka», réputée prorusse, a pour particularité d’interpeller médias et fact-checkers sur de faux contenus, et avait fait l’objet d’une enquête de l’AFP en début d’année ; elle a ciblé les JOP à plusieurs reprises.
Opérations sous «fausse bannière»
Le rapport de Viginum détaille plusieurs modes opératoires utilisés par les acteurs de la manipulation de l’information. Il revient, notamment, sur plusieurs opérations sous «fausse bannière» : une vidéo de menace à l’encontre d’athlètes israéliens utilisant les codes de l’organisation ultranationaliste turque «Loups gris», mais relayée par des chaînes Telegram prorusses ; une autre d’un prétendu membre du Hamas menaçant les Jeux, opération que Microsoft a attribuée à un groupe russe de désinformation, Storm-1516. Les acteurs russes ou prorusses, ou pro-azerbaïdjanais dans le cas de la campagne «Olimpiya», ne sont pas les seuls épinglés dans le rapport, qui cite également «l’écosystème numérique pro-iranien» à l’origine de contenus ciblant les athlètes israéliens, ou des comptes prochinois.
En tout état de cause, ces menées sont pour l’essentiel restées confinées à des sphères d’audience limitées. Dans le cas d’«Olimpiya» en juillet 2023, c’est le relais par des figures publiques françaises qui avait permis à une vidéo appelant au boycott des Jeux de sortir de son écosystème de premiers diffuseurs, et d’agréger, à l’époque, plusieurs millions de vues sur X (anciennement TWitter).