Chacun a sans doute sa propre échelle de Richter vis-à-vis des perturbations du métro parisien. Le pire, en ce qui nous concerne : «en raison d’un bagage oublié». Là, on mute en capitaine Haddock, les noms d’oiseaux font volière dans notre cortex, parfois on les dit carrément à voix haute – pas grave, on est juste à l’unisson du reste du wagon. Le «problème de signalisation» nous gonfle aussi sévère. Les «personnes sur la voie», on ne comprend carrément pas. En revanche, s’il y a bien un motif d’arrêt du métro face auquel on ne moufte pas, c’est l’«incident voyageur». Nos synapses ont tout bonnement sanctuarisé cette expression, avec une bouffée collatérale de compassion.
«Il faut sortir la personne de la rame»
La compassion est pourtant une anomalie pour tout usager du métro parisien, cette jungle notoire où tu es mort si tu ne traces pas comme si ta vie en dépendait, si tu ne t’énerves pas contre les lents, si tu ne sais pas jouer des coudes, des épaules, des pieds, si tu n’as pas appris à toiser d’un regard vide ou plein de morgue, si tu ne couves pas ton sac à main comme une relique, si tu n’es pas prêt à mordre pour défendre ton smartphone. Il faut être sauvage pour encaisser le métro parisien, nos gueules le prouvent d’ailleurs. Or donc, «incident voyageur», et nous voilà en flagrant délit de garde qui tombe, de pensée pour cet autre qui a trébuché dans la marche forcée collective. Que lui est-il arrivé ? Qui est-ce ? Est-ce grave ? Chute ? Evanouissement ?