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Libération
Soupçons de traite d’êtres humains

Avion bloqué dans la Marne : l’appareil est reparti vers l’Inde, deux passagers placés sous statut de témoin assisté

L’avion immobilisé depuis jeudi à Vatry pour des soupçons de traite d’être humains a pu redécoller ce lundi 25 décembre, direction Bombay. D’après une source proche du dossier, 276 des 303 passagers initiaux ont embarqué.
Un gendarme surveillait l'appareil de la compagnie Legend Airlines, samedi 23 décembre à l'aéroport de Vatry. (Christophe Ena/AP)
publié le 24 décembre 2023 à 14h54
(mis à jour le 25 décembre 2023 à 15h44)

L’appareil était cloué au sol depuis trois jours. Le revoilà dans le ciel. Après presque quatre jours de blocage sur le tarmac de l’aéroport de Vatry dans la Marne, l’avion transportant une majorité de passagers indiens a redécollé ce lundi 25 décembre vers 14 heures 30. Il prend la direction de Bombay, d’après l’avocate de la compagnie Legend Airlines. Prévu quelques heures plus tôt, le départ a pris un peu de retard «suite à un refus d’embarquer de certains passagers, désirant finir le voyage et se rendre au Nicaragua, et le temps d’analyser les demandes d’asile de 12 passagers» selon France Bleu Champagne-Ardenne.

Les autorités françaises espéraient obtenir «lundi matin au plus tard» les autorisations pour réacheminer en avion les passagers indiens confinés depuis jeudi soir dans un aéroport de la Marne après l’immobilisation de leur appareil, sur fond de soupçons de traite d’êtres humains. Une information judiciaire pour aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’étrangers sur le territoire en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs a été ouverte par le parquet de Paris

D’après une source proche du dossier, l’appareil est reparti avec 276 passagers indiens à bord sur les 303 initiaux. Vingt-sept passagers restent donc en France. Parmi eux, deux personnes ont été placés ce lundi sous le statut de témoin assisté à l’issue de leur garde à vue. Les deux Indiens, soupçonnés d’être des passeurs, nés en 2000 et 1984, sont donc ressortis libres après leur interrogatoire devant un juge d’instruction parisien. Le parquet de Paris avait demandé leur placement en détention provisoire. Me Salomé Cohen, avocate d’un des deux mis en cause a salué «la lecture extrêmement précise et minutieuse de la juge d’instruction qui a su se défaire de la médiatisation de ce dossier». Ils se sont vu délivrer des obligations de quitter le territoire français (OQTF). 25 autres passagers dont 5 mineurs ont déposé une demande d’asile, qui sera analysée à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.

«Atteinte disproportionnée aux droits de la personne»

Le redécollage de l’avion s’est vu renforcé par l’annulation par la justice pour un premier passager de la procédure les maintenant depuis trois jours dans l’aéroport, une décision qui pourrait s’appliquer aux autres. Cette annulation, décidée par une juge des libertés et de la détention (JLD), s’explique notamment par le délai d’attente de onze heures entre le moment où l’avion a été immobilisé et celui où un JLD a été saisi, ce qui constitue «une atteinte disproportionnée aux droits de la personne», selon l’ordonnance. «Il est fort probable que les autres dossiers suivent le même chemin», a affirmé le bâtonnier de Châlons-en-Champagne, François Procureur, lors d’un point presse après cette décision.

Selon une source proche du dossier, ces 303 Indiens, probablement des travailleurs aux Emirats arabes unis, pourraient avoir planifié de se rendre en Amérique centrale afin de tenter ensuite d’entrer illégalement aux Etats-Unis ou au Canada. Parmi eux figurent onze mineurs non accompagnés, selon le parquet de Paris.

Les passagers du vol opéré par la compagnie roumaine Legend Airlines entre Dubaï (Emirats arabes unis) et Managua, capitale du Nicaragua, étaient confinés depuis jeudi après-midi, après l’immobilisation de leur Airbus A340 venu à Vatry, à 150 km de Paris, pour faire le plein. La préfecture de la Marne précise que des lits individuels, des toilettes et des douches ont été installés, ainsi qu’une «zone famille pour assurer l’intimité parent-enfant».

Ce qui ne devait être qu’une escale technique à Vatry transformé en longue immobilisation après un «signalement anonyme» selon lequel des passagers étaient «susceptibles d’être victimes de traite des êtres humains» en bande organisée, a fait savoir le parquet de Paris vendredi.

Dix demandes d’asile

L’enquête, menée par la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), vise à «vérifier si des éléments viendraient corroborer» les soupçons de traite d’êtres humains, selon le parquet. Les deux gardes à vue commencées vendredi avaient «été prolongées samedi soir, pour une durée maximale de quarante-huit heures», a déclaré le parquet de Paris, «afin de vérifier» si le rôle de ces deux personnes «a pu être différent de celui des autres».

Dix demandes d’asile avaient par ailleurs été déposées samedi en fin d’après-midi, selon une source proche du dossier. On ignore quelles suites leur ont été données et combien de passagers ont finalement embarqué direction Bombay. Parmi ces demandeurs d’asile figurent cinq des onze mineurs non-accompagnés (MNA) passagers du vol, a indiqué l’Association accompagnement éducatif de la Marne, nommée administrateur ad hoc de ces mineurs.

Les trente membres d’équipage concernés soit par la liaison Dubaï-Vatry, soit par le trajet Vatry-Managua, ont été «autorisés à repartir librement», a assuré à l’AFP Liliana Bakayoko, qui se présente comme l’avocate de la compagnie aérienne. D’après le site spécialisé Flightradar, Legend Airlines est une petite compagnie dont la flotte est composée de quatre avions.

Mis à jour le 25 décembre à 10 heures 43 avec l’annonce des deux passagers présentés à un juge en vue d’une possible mis en examen. Puis à 15 heures 02 avec l’annonce du décollage de l’appareil. Puis à 15h42 avec le placement sous statut de témoin assisté des deux passagers qui avaient été mis en garde à vue.