Quand il raconte son histoire, il commence par là : «Je venais d’avoir 18 ans, les gendarmes frappent à la porte.» La mine sévère, les menottes à la main. «La police française nous envoie. Vous êtes accusé d’insoumission. Le service militaire est obligatoire, jeune homme.» Christophe de Neuville a pourtant deux parents belges et n’a pas souvenir d’avoir mis les pieds en France. Il regarde son père, gêné, bredouiller une explication aux forces de l’ordre. Lui reste en retrait. «J’ai toujours su. Mon frère et moi, on est issu de “la filière de Dunkerque”.» Une image floue se balade dans sa tête depuis toujours : «Je revois ma mère recouvrir le couffin d’une couverture. J’imagine au moment de passer la frontière, pour cacher le bébé aux douaniers.»
Christophe de Neuville, 64 ans, est journaliste à la RTBF, à Liège. D’habitude, il raconte la vie des autres. Cette fois, il s’agit de la sienne, et des «comme lui». «Nous sommes nombreux. On se reconnaît tout de suite entre nous. Pas besoin de beaucoup se parler.» Avec Christiane, découverte au hasard d’un forum, la complicité fut immédiate. L’un et l’autre sont nés à quelques heures d’intervalle, dans la même clinique de Dunkerque (Nord). «A “l’étage des Belges”, comme ils disaient. C’était sous les toits. Nos berceaux étaient dans une pièce fermée à clé. Nos mères tenues à l’écart, sans possibilité de nous voir. Très vite, nous étions amenés en Belgique, vendus à des familles adoptives. Comme d